Présentation
Pendant des siècles, l’Homme vivait dans l’illusion d’être au centre de l’univers, s’estimant la seule entité digne de protection et d’attention. Cette perception imprégnait également le droit, structuré autour d’une approche anthropocentrique. Cependant, trois grandes révolutions scientifiques ont profondément ébranlé cette vision. La révolution copernicienne l’a obligé à renoncer à sa position centrale dans l’univers, la révolution darwinienne à reconnaître son appartenance au règne animal, et la révolution freudienne à accepter l’influence de son inconscient sur ses actions.
Ces ruptures ont conduit l’Homme à reconsidérer son rôle dans le monde et à s’intéresser davantage à la protection des êtres vivants. Une approche biocentrique a ainsi vu le jour, privilégiant la préservation de la biodiversité et la sauvegarde des espèces en voie d’extinction. Toutefois, malgré ces avancées, cette vision reste incomplète, laissant subsister une séparation entre l’Homme et la nature. Cette évolution de la pensée culmine avec l’écocentrisme, qui élargit la perspective au-delà de ces deux approches : l’humanité constitue un élément parmi d’autres dans un système où tout, vivant ou non, est fondamental.
L’écocentrisme, tirant son origine des termes grecs οἶκος (« maison ») et κέντρον (« centre »), propose une nouvelle approche juridique marquant une rupture avec la tradition occidentale anthropocentrique. Cette conception met l’accent sur l’écosystème dans son ensemble, considéré comme une unité fondamentale.
Néanmoins, ce paradigme novateur soulève plusieurs questions juridiques majeures. La première concerne la redéfinition des sujets de droit et la reconnaissance juridique des écosystèmes. La deuxième porte sur la réorganisation des droits et obligations, notamment la représentation juridique des entités non humaines. Enfin, la troisième interroge les instruments juridiques nécessaires pour garantir une protection effective des écosystèmes. Ces défis montrent l’urgence d’un dialogue approfondi pour accompagner les mutations juridiques que cette approche pourrait engendrer.
L’intégration des approches écocentriques transforme progressivement l’approche juridique contemporaine en accordant une importance primordiale à la protection de l’environnement. Dans le domaine du droit privé, une innovation significative émerge, où les écosystèmes acquièrent une protection juridique autonome, indépendamment des considérations anthropocentriques. L’évolution du droit pénal reflète désormais la criminalisation des atteintes environnementales per se, tandis que le droit public intègre la protection environnementale comme composante essentielle des droits fondamentaux. Cette progression juridique se manifeste concrètement dans les instruments internationaux, notamment les Conventions de Genève de 1977 concernant la protection environnementale en période de conflit, ainsi que dans la jurisprudence récente, illustrée par l’affaire Lhaka Honhat (2020) établissant la corrélation entre droits autochtones et préservation environnementale.
L’écocentrisme, qui repose sur une vision intégrant l’humain comme partie intégrante des écosystèmes, constitue un défi pour les régimes juridiques centrés sur l’anthropocentrisme. Ce colloque propose d’approfondir cette problématique à travers trois axes principaux :
-Les fondements théoriques
-Les applications pratiques et études de cas
-Les perspectives d'évolution
Ces axes seront suivis d'un atelier. L'atelier permettra de synthétiser les apports essentiels de la journée et de tracer les perspectives pour ancrer l'écocentrisme dans notre système juridique. Les participants échangeront sur les enseignements clés, les questions qui restent ouvertes, et les stratégies concrètes pour transformer notre approche du droit. Un espace de dialogue pour construire collectivement les prochaines étapes de cette mutation juridique et identifier les axes de recherche prioritaires.
Programme
8h30 : Accueil
9h00 : Allocution d’ouverture
François Hourmant, Directeur du Centre Jean Bodin, Professeur en Science Politique à l’Université d’Angers
Axe 1 - Les fondements théoriques
Sous la présidence de Félicien Lemaire, Professeur de droit public à l’Université d’Angers
9h15 : La nature, nouveau sujet de droit ?
Cécile Housset, Docteure en philosophie politique, Université Paris Cité
De l’anthropocentrisme du droit à l’écocentrisme : les alternatives à la personnification juridique de la nature
Jérémie Iglesias, Doctorant en droit public à l’Université de Caen Normandie
Apprécier les risques propres aux différents scénarios de transition écologique à partir d’une approche écocentrique du droit
Yoann Mallard, Doctorant en économie à l’Université d’Angers
Une justice restaurative nietzschéenne
Bénédicte Vidor, Doctorante en philosophie à l’Université de Nanterre
10h30 : Discussions
Axe 2 - Les applications pratiques et études de cas
Sous la présidence de Solène Ringler, Professeure de droit privé, et Matthieu Zolomian, Maître de conférences en droit privé
10h45 : Réflexions sur les fondements de la reconnaissance de la personnalité juridique des entités naturelles
Sètongnon Vivien Gbewezoun, Doctorant contractuel à l’Université Marie et Louis Pasteur, Université de Franche-Comté
Le travail à l’épreuve de l’écocentrisme
Meriem Sakli, Doctorante en droit privé à l’Université d’Angers
L’écocide : vers la consécration d’un nouveau crime international écocentré ?
Camille Toutain, Doctorante en droit de l’environnement à Nantes Université
Discussions
12h00 : Pause méridienne
Axe 3 - Les perspectives d’évolution
Sous la présidence de Bernard Gauriau, Professeur de droit privé, et Catherine Deffains-Crapsky, Professeure en sciences de gestion et du management
13h30 : Les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réforme « verte » du droit international des investissements : réflexions sur l’écocentrisme des savoirs traditionnels à l’épreuve des vicissitudes de l’arbitrage
Sanae Bouyayachen, Université Mohammed V de Rabat
La police administrative à l’épreuve de l’écocentrisme
Franck Lamas, Doctorant en droit public à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour
L’écocentrisme dans les constitutions des États : vers une révolution juridique ?
Gilbert Mbassa, Enseignant-Chercheur à l’Université de Dschang (Cameroun)
Pour une approche écocentrique du droit pénal
Andréa Narvaez, Doctorante de l’Équipe de droit pénal et sciences Forensiques à l’Université de Montpellier
14h45 : Discussions
15h00 : Pause
15h30 : Atelier
17h00 : Conclusion
Pour des raisons logistiques, l'inscription (gratuite) est obligatoire : https://fua.univ-angers.fr/fua/Formulaire/AfficherFormulaire?idE=CE13771C7513C31B4EBC91101A29AEDE
Colloque organisé pour le Centre Jean Bodin, Université d'Angers dans le cadre de la 6ème édition du colloque biennal des doctorants du CJB par Saba Alqabelat, Zakaria Arab et Meriem Sakli, sous la direction scientifique de Catherine Deffains-Crapsky, Bernard Gauriau, Félicien Lemaire, Solène Ringler et Matthieu Zolomian