Présentation
 
La notion d’illibérallisme a pu qualifier depuis plusieurs années le régime de certains pays qui se présentent comme des « démocraties illibérales ». Ce qualificatif caractérise, de façon générale, l’idéologie et les politiques mises en œuvre par les dirigeants de ces pays. Dans le cadre de cette journée d’étude, nous nous questionnerons en suivant une approche interdisciplinaire, de droit étranger et comparé sur l’attribution du qualificatif « illibérale » à la Justice constitutionnelle. En effet, certaines Cours constitutionnelles ou suprêmes – ayant une compétence constitutionnelle - ont été présentées par la doctrine comme illibérales. On pense, par exemple, aux cours constitutionnelles hongroise, polonaise, turque. Mais encore, plus récemment, la dimension illibérale du revirement de jurisprudence de la Cour suprême américaine à propos de l’avortement dans l’arrêt Dobbs a conduit certains auteurs à qualifier la Cour suprême elle-même comme illibérale. Or, une jurisprudence peut-elle suffire à changer la nature axiologique d’une cour ?
L’expérience du droit comparé questionne le sens, les raisons, les critères et la mesure dans laquelle des « juges constitutionnels » peuvent être considérés comme illibéraux.
Ces questionnements conduisent, tout d’abord, à interroger l’approche que l’on peut avoir de la justice constitutionnelle. Peut-on appréhender la justice constitutionnelle de façon neutre, en la définissant essentiellement à partir d’un ensemble de procédures et de techniques, ou bien les racines libérales de la justice constitutionnelle imposent-elles une approche axiologiquement orientée ? Si l’on adopte la seconde approche, l’analyse de la justice constitutionnelle illibérale occupe une place à part par rapport aux juges constitutionnels libéraux.
Une fois l’approche méthodologique définie, la manifestation scientifique entend esquisser les critères permettant de définir le caractère illibéral d’une cour. La composition, la procédure, la jurisprudence, et notamment l’interprétation des sources constitutionnnelles sont autant de facteurs qui peuvent contribuer à identifier une Cour illibérale. Il sera ensuite intéressant d’analyser la dynamique des Cours dites illibérales. La réalité n’étant pas statique, le mouvement de ces cours vers le libéralisme ou l’illibéralisme ainsi que le rôle que les cours jouent dans leurs systèmes respectifs devront être abordés. Est-ce que le rôle d’une Cour illibérale est d’être neutre ou neutralisée, en s’abstenant d’agir contre un gouvernement autoritaire ? Ou bien, est-ce que les Cours sont appelées à intervenir et à accentuer le caractère illibéral du régime politique, jouant ainsi un rôle moteur ?
Enfin, nous nous intéresserons aux éventuels contre-poids pouvant faire obstacle aux jugements illibéraux de ces cours. Les freins normatifs, institutionnels, juridictionnels et sociétaux, avec le rôle que la société civile peut jouer à travers des manifestations voire le droit de résistance à l’oppression seront étudiés. L’analyse de cette dimension prendra non seulement en compte les ordres juridiques internes des différents pays, mais aussi l’influence que les ordres et les juges supranationaux peuvent avoir sur les systèmes nationaux.
L’ensemble de ces analyses seront portées par un dialogue interdisciplinaire, de droit étranger et comparé indispensable à l’appréhension d’un tel phénomène.
 
Programme
 
Introduction
Illibéralisme et justice constitutionnelle : quelle approche axiologique ?
 Aurélie Duffy-Meunier, professeur, Aix-Marseille Université, ILF-GERJC
 et Nicoletta Perlo, Maître de conférences HDR, Université Toulouse I Capitole, IRDEIC
 
I - Qu’est-ce qu’une Cour illibérale ?
Sous la présidence de Xavier Magnon, Professeur, Aix-Marseille Université, ILF-GERJC
Philosophie politique
 Alain Laquièze, Professeur, Université Paris Cité
Philosophie du droit
 Xavier Magnon et Patricia Rrapi, Maîtresse de conférences, Université Paris Nanterre
 
II - Les manifestations de la justice constitutionnelle illibérale
Sous la présidence d’Aurélie Duffy-Meunier et de Nicoletta Perlo
Hongrie, Pologne
 Laurent Pech, Professeur, University College Dublin
Pays d’Europe centrale et orientale / Russie
 Natasa Danelciuc-Colodrovschi, Docteur, Assistante de recherches ILF-GERJC, Aix-Marseille Université
Amérique du Sud
 Irene Spigno, Professeur, Université Autonome de Coahuila, Mexique
États-Unis
 Julien Jeanneney, Professeur, Université de Strasbourg
 
III - Les résistances à la justice constitutionnelle illibérale
Sous la présidence de Marthe Fatin-Rouge Stefanini, Directrice de recherche, CNRS, ILF-GERJC
 
Les freins « de l’intérieur »
L’analyse du politiste
 Yves Surel, Professeur, Université Paris Panthéon Assas
L’analyse du juriste
 Giuseppe Martinico, Professeur, Scuola Superiore Sant’Anna, Pise
Les résistances des Cours constitutionnelles face à leurs propres réformes
 Pablo Castillo Ortiz, Senior Lecturer, University of Sheffield
 
Les freins « de l’extérieur »
Les Cours régionales européenne et interaméricaine
 Marie Rota, Maître de conférences, Université de Lorraine
Conclusions
 Marie-Claire Ponthoreau, Professeur, Université de Bordeaux
Colloque organisé par Aurélie Duffy-Meunier et Nicoletta Perlo pour l'ILF - Institut Louis Favoreu, Groupe d'Études et de Recherches sur la Justice Constitutionnelle / GERJC UMR 7318, Université d'Aix-en-Provence