Regards croisés sur la justice administrative au Togo

Appel à communication

Regards croisés sur la justice administrative au Togo

Colloque, Lomé, 25 octobre 2023

Date limite le lundi 31 juil. 2023

I. Contexte et justification

L'installation et la maturation de la justice administrative, tout autant que celle civile ou pénale, dépendent de facteurs sociologiques et politiques majeurs intrinsèques à chaque pays. Ces derniers déterminent la qualité et l'acceptabilité des décisions juridictionnelles. 

Cette problématique se présente en termes élémentaires au Togo : peut-on parler d'une effectivité et d'un dynamisme du contentieux administratif ? Telle est, en réalité, la question essentielle à laquelle ce colloque est consacré. Longtemps méconnue par la plupart des citoyens, la justice administrative, source fondamentale du droit administratif[1], jouit, dans certains pays, d'une fortune singulière dans la protection et dans l'affermissement de l'Etat de droit, en raison de sa double mission consultative et contentieuse. Cette destinée de la justice administrative justifie que l'on s'y intéresse, particulièrement dans sa dimension contentieuse. 

En France, par exemple, la justice administrative a connu une riche histoire. La loi du 24 mai 1872 a définitivement fait du Conseil d'Etat une véritable institution dont les décisions s'imposent à l'Administration. Le juge parachève lui-même son installation dans l'environnement juridique par, notamment, les décisions Blanco[2] et Cadot dans lesquelles il reconnaît respectivement l'application d'un droit particulier à l'Administration et l'effectivité de son indépendance par rapport au gouvernement.  Contrairement à certains Etats de la sous-région comme le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, la trajectoire historique du Togo n'a pas permis d'entretenir et d'adapter rapidement aux réalités locales l'approche française du contentieux administratif. D'une part, il est difficile voire impossible de citer une jurisprudence togolaise qui sert de référence en matière de jurisprudence administrative. Cette dernière n'est ni connue ni étudiée : seules les jurisprudences française et sous-régionale sont enseignées dans les facultés de droit togolaises[3]. D'autre part, les lois qui encadrent le fonctionnement de la justice administrative au Togo sont, soit incomplètes, soit insuffisamment spécifiques au contentieux administratif. Cette imperfection conduit Massina Palouki à faire un plaidoyer, au début des années 1990, pour le fonctionnement de la juridiction administrative[4]. En effet, la loi n°61-17 du 12 juin 1961 relative à l'organisation judiciaire de la jeune République ne dit mot sur l'existence d'une juridiction administrative[5]. L'ordonnance n° 78-35 du 7 septembre 1978 institue certes des chambres administratives en qualité de juge en premier et dernier ressort en matière administrative, mais uniquement près les cours d'appel[6]. La récente loi n° 2019-015 du 30 octobre 2019 portant Code de l'organisation judiciaire, qui abroge l'ordonnance de 1978, a partiellement remédié à ce problème. Elle institue des chambres administratives près les tribunaux de grande instance, eux-mêmes constituant une innovation. De plus, elle ajoute à la traditionnelle fonction contentieuse de ces chambres, une fonction consultative[7], et remplace le ministère public près les chambres administratives par un rapporteur public. Elle indique en son article 2 que c'est un magistrat judiciaire qui tranche les litiges administratifs et qui, par conséquent, exerce le contentieux administratif. Si le Code de l'organisation judiciaire de 2019 fait mention, sans ambiguïté, en son article 7, de l'expression « juridiction administrative[8] », il n'en organise pas directement le fonctionnement. Il prévoit, en son article 58, qu' « une loi détermine la procédure à suivre en matière administrative ». Or, cette loi n'est jamais intervenue. Autrement dit, s'il est évident que les « juges administratifs togolais » sont entièrement soumis au statut de la magistrature, en raison de l'unité juridictionnelle consacrée par la Constitution[9], il n'existe, aujourd'hui, aucune procédure particulière pour rendre la justice administrative. 

Nonobstant cette absence de procédure spéciale, ce serait injustice que de prétendre à une absence de justice administrative au Togo. Cette dernière n'a simplement pas connu la même réalité historique ou un fonctionnement analogue à celui du Conseil d'Etat français ou de ses homologues de la sous-région ouest-africaine. 

Le présent colloque nourrit l'ambition de s'intéresser à la réalité et aux perspectives du contentieux administratif togolais. Il vise à étudier la contribution ou la concurrence des différents ordres de justice existant actuellement pour réaliser la soumission de l'Administration au droit. Cette manifestation scientifique s'articule autour des questions suivantes : Quels sont les obstacles relatifs à l'épanouissement de la justice administrative au Togo ? En l'absence d'une juridiction sui generis, quelles sont les spécificités de la justice administrative togolaise ? En son état actuel, est-elle accessible, efficace et de qualité ? Dans l'affirmative, selon quels critères ? Comment la rendre plus performante, le cas échéant ?  Les questions sont nombreuses. Plutôt qu'une confusion, elles traduisent la diversité des acceptions de la notion même de qualité de la justice administrative et, par ricochet, du contrôle de l'action administrative dans un contexte en pleine mutation. 

 

II. Axes de contribution   

Les réflexions seront articulées autour de quatre axes : 

  • Axe 1 : Les contraintes relatives à la consécration 
  • Axe 2 : Les influences empruntables, concurrentes et contributives 
  • Axe 3 : L'épanouissement : l'accès à la justice et l'indépendance des juges 
  • Axe 4 : Les perspectives ou L'Administration irréprochable de demain 

 

III.  Profil des participants 

Cet appel à contribution est ouvert à tous : enseignants-chercheurs, magistrats, praticiens du droit et avocats. Le colloque a vocation à accueillir tous les sujets qui s'inscrivent dans le cadre de l'un des quatre axes, y compris ceux qui présentent un caractère interdisciplinaire (analyse technique, contentieuse, historique, doctrinale, sociologique etc.) ou se situant dans une approche comparative (interne, régionale, internationale). 

 

IV. Modalités de soumission 

Les propositions de communications doivent être envoyées au plus tard le 31 juillet 2023 à l'adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

Les résumés des communications (deux pages maximum) doivent inclure : 

  • L'intitulé de la communication, une brève problématique et les grands axes du plan ; 
  • Le nom de l'auteur, le titre, les fonctions et l'institution de rattachement ; 
  • L'axe de rattachement ; 
  • Des indications bibliographiques. 

Les communicateurs retenus à l'issue du processus de sélection seront tenus d'envoyer la version provisoire de la communication entièrement rédigée au plus tard le 5 octobre 2023. Le texte de la communication ne doit pas dépasser 15 pages (Times 12, interligne 1,5, références et commentaires en notes de bas de page) et sera accompagné : 

  • D'un résumé d'environ 100 mots en français ; 
  • D'un plan détaillé ; 
  • Des mots-clés ; 
  • D'une bibliographie sélective d'une page au maximum. 

Un texte finalisé de chaque communication, tenant compte des débats et des éventuelles observations du Comité scientifique, sera transmis au plus tard le 25 novembre 2023 pour publication. 

 

 

V. Calendrier 

  • Date limite de soumission des communications : 31 juillet 2023   
  • Date de réponse aux communicateurs : 21 août 2023
  • Date d'envoi des communications : 5 octobre 2023
  • Date du colloque : 25 octobre 2023  
  • Version définitive des communications pour publication : 25 novembre 2023  

 

VI.  Comité scientifique  

  1. Monsieur Dodzi K. KOKOROKO, Professeur titulaire de droit public, Président de l'Université de Lomé, Président ;
  2. Monsieur Yaya Bawa ABDOULAYE, Président de la Cour suprême du Togo, Vice-président ;
  3. Monsieur Palouki MASSINA, Maître de conférences de droit public, Membre de la Cour constitutionnelle du Togo, Rapporteur ;
  4. Monsieur Ibrahim SALAMI, Professeur titulaire de droit public, Université d'AbomeyCalavi, Bénin, Membre ;
  5. Monsieur Xavier MAGNON, Professeur des Universités, Université d'Aix-Marseille, France, Membre ;
  6. Monsieur Kossivi HOUNAKE, Maître de conférences agrégé, Université de Lomé, Membre.

 

 

VII.  Comité d'organisation 

  1. Monsieur Christian Eninam TRIMUA, Maître assistant en droit public, Ministre des droits de l'Homme, de la formation à la citoyenneté et des relations avec les institutions de la République, Président ;
  2. Monsieur Efoe Mawunyigan KINI, Maître assistant en droit public, Université de Lomé, Vice-président ;
  3. Monsieur Elysée K. HATOR, ATER en droit public, Université Paris-Saclay, Rapporteur ;
  4. Madame Marie SONDO, Assistante en droit public, Université de Lomé, Membre.

 

[1] Charles Debbasch, « Les sources du droit administratif. Permanence et novation », Dalloz, 1971, chron. p. 255 ; Georges Vedel, « Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE, 1979-1980, n° 31, p. 31 : Jean-Marc Maillot, La théorie administrativiste des principes généraux du droit. Continuité et modernité, Paris, Dalloz, 2003, p. 503. 

[2] Non seulement cette décision a suscité des études scientifiques d'envergure, mais en plus plusieurs manifestations ont été organisées à l'occasion de ses 150 ans. Voir notamment Just Luchet, L'Arrêt Blanco. La thèse de la compétence administrative en matière de responsabilité civile de l'Etat, Thèse, Nancy, Partis, Les Presses Modernes, 1935. Voir également les actes du colloques Autour de l'arrêt Blanco : 1873/2023, sous la direction de Florent Blanco, Simon Gilbert, Anne Jacquemet-Gauché, Paris, Dalloz, 2023. 

[3] Le seul ouvrage de référence en droit administratif publié au Togo est celui du Professeur Dodzi Komla Kokoroko. Cependant, ce livre est, hélas, d'inspiration française. V. Les Grands thèmes du droit administratif, Lomé, Presses universitaires de Lomé, 2014, 1ère édition, 237 p. Néanmoins, quelques articles scientifiques du même auteur semblent s'intéresser au droit administratif local. Voir notamment « Le juge administratif des libertés », Leçon inaugurale à la Rentrée solennelle du Centre d'Etudes en droit administratif et en décentralisation (CEDAT), 08 décembre 2012, Cotonou, Bénin ; « Le bulletin de santé du contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales au Togo. Virée décentralisatrice aux termes de la loi n° 2007-11 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales », Revue togolaise des sciences juridiques, n° 2, juin 2012. 

[4] Massina Palouki, « Plaidoyer pour le fonctionnement de la juridiction administrative au Togo », Revue burkinabè de droit, n° 19/20, 1991, pp. 7-25. 

[5] http://jo.gouv.tg/sites/default/files/annee/1961/jo%201961-162.pdf.    

[6] Article 28 de l'ordonnance. 

[7] Article 83. 

[8] Article 7 alinéa 3 : « En matière administrative, il est institué́ un rapporteur public désigné́ dans les conditions prévues par la loi relative à la procédure devant les juridictions administratives ». 

[9] Voir les articles 119 et 123 de la Constitution de 1992. Voir également l'article 33 de la loi organique 97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême. 


Regards croisés sur la justice administrative au Togo
Suite à cet appel, a eu lieu le colloque Regards croisés sur la justice administrative au Togo du 16 janvier 2024.