Lettres des Présidents des sections du Groupe 1 du CNU et du Président de la Conférence des doyens des facultés de droit et de science politique au premier Ministre

Le 16 novembre 2020,

 

Objet : Entretien avec Madame Frédérique Vidal, les Présidents des sections du Groupe 1 du CNU et le Président de la conférence des doyens des facultés de droit et de science politique

 

Monsieur le Premier Ministre,

Nous venons vers vous en prolongement de la réunion qui s’est tenue, aujourd’hui 16 novembre 2020, à la demande et avec madame la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’objet portait sur l’article 3 bis de la LPR et ses conséquences sur les conditions d’accès aux carrières universitaires dans le domaine du droit et de la science politique et plus généralement le rôle du Conseil National des Universités (toutes disciplines confondues).

Vous n’êtes pas sans savoir que cette rencontre a été suscitée en réponse au mouvement initié par les facultés de droit et de science politique et qui s’étend aujourd’hui à l’ensemble de la Communauté universitaire : écrans noirs, pétitions, motions, manifestations, blocage du CNU, blocage des jurys d’examen, boycott de l’HCERES et autres examens d’entrée aux professions réglementées...

Ce mouvement exige le retrait de l’article 3 bis. Il est susceptible d’engendrer la contestation d’autres aspects de la Loi et, compte tenu de l’émotion qu’il suscite, risque de mettre en péril l’ensemble de la Loi de la programmation de la Recherche 2021/2030.

Pour mémoire :

La Commission Mixte Paritaire s’est réunie le 9 novembre 2020. Elle a maintenu au sein de la LPR cet article 3 bis introduit par un amendement sénatorial nocturne et soutenu par la ministre, de manière à réduire le rôle du CNU dans le processus de recrutement des professeurs d’université et des maîtres de conférences.

Admettre de la sorte au sein du code l’éducation qu’il devient possible de devenir professeur ou maître de conférences, sans inscription préalable sur une liste de qualification nationale qui atteste de l’excellence scientifique et académique, ouvre la porte à toute forme de localisme. Cela expose au risque de créer entre les établissements des différences de niveau dans les recrutements et par voie de conséquence en termes de recherche et de pédagogie. Au final, la cohésion territoriale de l’enseignement supérieur et de la recherche s’en trouvera grandement altérée.

Nous avons porté auprès de madame la Ministre ce message. Nous n’avons pas été entendus. La demande de retrait a été exclue. Elle nous propose une simple concertation relative au décret d’application.

De même, notre proposition alternative de réécriture constructive de l’article 3 bis n’a pas retenu son attention. Nous sommes pourtant convaincus que la LPR devrait nous permettre d’ouvrir une vaste concertation sur la réforme des procédures de recrutement dans l’enseignement supérieur. A cet effet nous nous permettons de vous transmettre ce projet :

"Article 3bis :

Une commission d’enseignants-chercheurs représentative des différentes sensibilités disciplinaires et de représentants des établissements universitaires, dont la composition sera fixée par décret, est instituée afin de proposer au Gouvernement une réforme des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs. Elle comprend un nombre égal de femmes et d’hommes.

Les procédures de recrutement devront être respectueuses des différentes spécificités disciplinaires, et prendre en considération la garantie de l’excellence de la recherche et l’autonomie des établissements universitaires.

Pour mener à bien cette mission, elle bénéficie du concours des administrations de l’Etat en matière d’expertise juridique et d’éclairage sur les pratiques dans les autres pays européens. La commission peut entendre toute autre institution, association ou organisation de la société civile.

La commission associe à ses travaux les organisations syndicales représentatives à travers des auditions, ainsi que le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

La commission présentera ses travaux au plus tard le 1er décembre 2021."

Nous ne pouvons nous satisfaire de l’absence de réponse. L’issue de la réunion n’est pas à la hauteur du message délivré par notre communauté qui réclame l’abandon pur et simple des possibilités ouvertes par l’article 3 bis et non son seul redressement par la voie réglementaire. Du fait de la posture de madame Frédérique Vidal, la situation est bloquée.

Nous demandons donc votre intervention.

Vous remerciant pour l’attention que vous porterez à la présente, veuillez croire Monsieur le Premier Ministre en l’assurance de notre haute considération.

 

Arnaud Martinon, président section 01
Loïc Grard, président section 02
Florent Garnier, président section 03
Sandrine Lévêque, présidente section 04

Jean-Christophe Saint-Pau, président de la conférence des doyens des facultés de droit et de science politique

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