Présentation de l’éditeur
D’abord suggérée par la doctrine, l’idée de droits en faveur de la nature est devenue une réalité de droit positif dans plusieurs pays au cours des 20 dernières années. Bien que bousculant certains concepts fondamentaux des ordres juridiques occidentaux, l’idée semble même gagner en séduction et en audience face à la crise écologique ; en témoigne sa première traduction sur le territoire européen avec la loi espagnole de 2022 reconnaissant la personnalité et les droits de la Mar Menor. Cet exemple médiatisé, comme quelques autres avant lui – constitution équatorienne de 2008, lois bolivienne ou néo-zélandaises, décisions de justice en Colombie ou en Inde –, ne doit cependant pas conduire à occulter l’hétérogénéité du « mouvement » des droits de la nature : cette expression cache la diversité des sources d’inspiration revendiquées (propositions juridiques techniques, écothéologie ou cosmogonies autochtones…) ; des formes de la consécration (constitution, lois, actes locaux, décisions de justice ou proclamations sans caractère contraignant…) ; comme de ses modalités (personnalité et droits en faveur de la nature en général ou d’une entité naturelle en particulier, institution ou pas de gardiens, plus ou moins grande ouverture de l’action en justice…). C’est donc pour éclairer ce phénomène dans toutes ses dimensions qu’une approche plurielle, juridique mais aussi philosophique et anthropologique, a été retenue dans le cadre du présent ouvrage, qui constitue les actes d’une université d’automne organisée par l’Institut Louis Favoreu-GERJC à la fin de l’année 2022. Sans céder à la condamnation de principe ou à la célébration sans nuance, les contributions réunies ici visent à interroger la portée d’un phénomène qui traduit le besoin d’une nouvelle appréhension du vivant et des relations d’interdépendance en son sein entre humains et non-humains.