Date limite le mercredi 29 oct. 2025
Contexte
L’État de droit est depuis longtemps reconnu comme l’un des principes fondamentaux de l’Union européenne, expressément consacré à l’article 2 TUE et constamment réaffirmé dans la jurisprudence de la Cour de justice. Ces dernières années, ce principe a acquis une importance sans précédent dans l’ordre constitutionnel interne de l’Union. Depuis la Communication de la Commission de 2014 sur « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’État de droit » (COM(2014) 158 final), l’État de droit est placé au centre de l’analyse académique et de la pratique institutionnelle, en particulier face aux défis systémiques apparus dans certains États membres.
À l’inverse, l’application de l’État de droit à l’action extérieure de l’Union européenne demeure largement sous-théorisée et insuffisamment étudiée. Les débats académiques et institutionnels se sont principalement attachés aux crises internes à l’Union, laissant ouvertes des questions fondamentales quant à la portée, au contenu et à la fonction de l’État de droit dans la conduite de l’Union sur la scène internationale. Pourtant, en tant qu’entité créée par le droit et tenue par son propre cadre constitutionnel, l’Union européenne ne peut échapper à la question de savoir comment l’État de droit se manifeste dans son action extérieure, que ce soit sous forme de contraintes procédurales ou substantielles qui s’imposent à elle ou de valeurs projetées vers ses partenaires.
Problématique et objectifs
Ce colloque a pour ambition d’interroger la signification et la mise en œuvre de l’État de droit dans les relations extérieures de l’Union, un sujet qui n’a été abordé que de manière ponctuelle dans la littérature existante. La réflexion est motivée par deux considérations interdépendantes.
Premièrement, comme pour tout ensemble de principes constitutionnels, l’État de droit lie non seulement les États membres, mais également les institutions de l’Union elles-mêmes. Cet effet contraignant ne s’arrête pas aux frontières du marché intérieur : il s’étend également au domaine de l’action extérieure. Le contrôle juridictionnel des mesures adoptées dans le cadre de la PESC, le rôle croissant du Parlement européen dans la conclusion des traités, ainsi que la responsabilité de l’Union en matière de dépenses extérieures illustrent tous l’extension croissante de l’État de droit à des domaines autrefois considérés comme échappant à ses exigences.
Deuxièmement, dans un environnement mondial marqué par la contestation du droit international et l’érosion du multilatéralisme, l’Union européenne s’est activement positionnée comme promotrice des principes associés à l’État de droit à l’étranger. La politique d’élargissement et de voisinage, les accords d’association et de commerce, la coopération au développement, les régimes de sanctions, ainsi que les dialogues sectoriels dans des domaines tels que le climat ou la régulation numérique comportent tous des conditionnalités liées à l’État de droit. Ces pratiques soulèvent des interrogations non seulement quant à l’efficacité de cette promotion externe, mais aussi quant à la légitimité de l’application, dans des contextes extérieurs, de principes initialement conçus pour la sphère interne.
Dans leur ensemble, ces considérations mettent en évidence la double dimension de l’État de droit dans l’action extérieure : en tant que contrainte sur la conduite de l’Union elle-même, et en tant que valeur projetée à destination des États tiers et des organisations internationales. La conférence invite les participants à explorer ces deux dimensions, dans le but de clarifier le contenu évolutif de l’État de droit dans la gouvernance mondiale et d’évaluer la crédibilité de l’Union européenne en tant qu’acteur respectueux de l’État de droit.
Thèmes
Toutes les propositions de contribution seront étudiées attentivement, qu’elles proviennent d’universitaires, à tous les stades de leur carrière, ou de praticiens impliqués directement ou indirectement dans l’action extérieure de l’Union européenne. Les analyses de droit positif, tout comme les approches théoriques et empiriques sont encouragées, de même que les études sectorielles. Afin de favoriser une approche croisée du droit de l’Union européenne et du droit international, les propositions pourront s’ancrer dans l’une de ces deux branches, à condition d’intégrer également l’autre dans leur analyse. Les axes possibles de réflexion incluent, sans s’y limiter, les suivants :
- Fondements conceptuels et théoriques
- La notion d’ « État de droit international » : est-elle conceptuellement viable et, si oui, quel est son rapport avec le droit de l’Union européenne ?
- Perspectives comparatives sur l’extériorisation des principes constitutionnels.
- L’État de droit et son interaction avec les valeurs, objectifs et (autres) principes de l’Union européenne.
- L’État de droit comme contrainte sur l’action extérieure de l’Union européenne
- Le contrôle juridictionnel de l’action extérieure et les limites de la justiciabilité.
- Le rôle du Parlement européen et des autres institutions dans la garantie de la responsabilité en matière de relations extérieures.
- La transparence, le respect du droit à une procédure régulière et les limites de la discrétion exécutive dans le cadre de la PESC.
- L’État de droit comme projection externe et conditionnalité
- L’État de droit en tant que condition dans la politique d’élargissement et de voisinage.
- Les clauses relatives à l’État de droit dans les accords commerciaux, de développement et d’association.
- Les sanctions et mesures restrictives : respect de la procédure régulière, proportionnalité et droits individuels.
Les sanctions et mesures restrictives constituent une étude de cas particulièrement riche, dans la mesure où elles illustrent à la fois l'utilisation par l’Union européenne de l’État de droit comme instrument de conditionnalité dans ses relations extérieures, et les contraintes que les principes de l’État de droit imposent à l’Union elle-même lors de l’adoption et du contrôle juridictionnel de telles mesures.
- Défis géopolitiques et politiques sectorielles
- L’État de droit et l’autonomie stratégique de l’Union européenne : tensions entre valeurs et intérêts.
- Les pactes migratoires, la coopération en matière de sécurité et les instruments de soft law : sont-ils conformes aux standards de l’État de droit ?
- Les domaines émergents tels que la régulation numérique, la gouvernance climatique et la politique énergétique comme nouveaux espaces d’extériorisation de l’État de droit.
Informations pratiques
Date et lieu : 29 et 30 janvier 2026, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
Modalités de soumission : les propositions de communication (résumé de 500 mots maximum), rédigées en français ou en anglais et accompagnées d’une courte note biographique ou d’un CV, doivent être envoyées à M. Maïga à l’adresse suivante : crjp8.labo@gmail.com avant le 29 octobre 2025.
Notification d’acceptation : 15 novembre 2025.
Envoi des contributions : 20 janvier 2026.
Les intervenants sont invités à prendre en charge leurs frais de voyage et d’hébergement. Un financement limité pourra toutefois être accordé sur demande.
La conférence se tiendra en présentiel à l’Université Paris 8. En cas de contraintes financières ou autres, des présentations à distance pourront être facilitées.
Les contributions retenues pourront être publiées (sous réserve d’une évaluation par les pairs) dans un numéro spécial de Europe and the World - A Law Review (UCL Press, en accès libre).
Colloque du Module Jean Monnet EXTEREL (Paris 8), co-organisé par la Prof. Saïda El Boudouhi (Université Paris 8, CRJP8) & la Prof. Anne Thies (University of Glasgow, School of Law)