Date limite le dimanche 30 nov. 2025
Aspects scientifiques
La question des valeurs est un thème très largement abordé par les études européennes [1] . Toutefois, la question semble loin d’être épuisée. En effet, dans le contexte de la crise des valeurs que connaît l’Union depuis un certain nombre d’années [2] et qui résulte de son « impuissance à faire respecter ces valeurs » [3] , la Cour de Justice de l’Union européenne « s’apprête à franchir un cap constitutionnel majeur dans l’histoire de l’intégration européenne : contrôler le respect par les Etats membres des valeurs communes de l’Union dans l’ensemble du droit national » [4] . A ce jour, la sanction d’une atteinte aux valeurs de l’Union demeure subordonnée à la violation d’autres « dispositions spécifiques du droit de l’Union européenne » [6] . Cette exigence, vivement débattue et critiquée au sein de la doctrine [7] , a été remise en cause par l’avocate générale près la Cour de justice Tamara Ćapeta, qui, dans ses conclusions en date du 5 juin 2025, plaide en faveur de la justiciabilité des valeurs de l’Union européenne. En effet, elle « considère que la Cour devrait constater, comme l’a demandé la Commission, une violation distincte par un État membre de l’article 2 TUE, qui énonce les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union européenne est fondée » [8]. De plus, elle estime également que, contrairement à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui conditionne la compétence de la Cour de justice [9], « la compétence de la Cour en ce qui concerne l’article 2 TUE n’est ni exclue ni limitée » [10] .
Le dessein d'une justiciabilité des valeurs de l’Union européenne ouvre la voie à de nombreuses réflexions. Les contributions pourraient s’articuler autour de :
- L’état actuel de la justiciabilité
Actuellement, il existe une justiciabilité indirecte des valeurs par le biais du rattachement à d’autres dispositions des traités ou de la charte des droits fondamentaux, à l’image de la valeur de l’Etat de droit [11] . Cette justiciabilité est-elle suffisante pour garantir le respect des valeurs par les Etats membres ? De plus, permet-elle de faire face à la crise des valeurs qui bouleverse l’Union européenne ?
- L'identification des valeurs comme condition sine qua non à leur justiciabilité
L’autonomisation des valeurs suppose un véritable travail d’identification. Cette identification, largo sensu, renvoie également à la manière dont elles se matérialisent et leur rôle dans la construction et le fonctionnement de l’Union européenne. Doivent-elles être considérées comme des notions ou standards universellement partagés par les Etats membres, ou comme des principes essentiels à la pérennité institutionnelle de l’Union ? Cette interrogation liée à l’identification fait nécessairement écho à la question de l’institution légitimement compétente pour connaître d’une telle définition. Par ailleurs, le contenu de ces valeurs doit-il être figé dans un texte législatif, ou être laissé à l’appréciation de la Cour de justice ?
- Les conséquences de la justiciabilité des valeurs
De plus, il semble intéressant de se questionner sur les conditions d’une justiciabilité généralisée des valeurs ainsi que sur ses conséquences. Quelles pourraient être les conséquences de la justiciabilité des valeurs tant sur le plan institutionnel et fonctionnel de l’Union que dans des domaines sectoriels ? En effet, si l’autonomisation des valeurs était actée, qu'en serait-il pour la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (CDFUE) tant au niveau de son invocabilité que de son applicabilité ? Au niveau du fonctionnement de l’Union, la justiciabilité des valeurs ne constituerait-elle pas un vecteur d’extension des compétences de l’Union en dehors de la lettre même des traités ? Par ailleurs, comment les Etats membres réceptionneront-ils une telle évolution du droit de l’Union européenne ? De même quelles seraient les conséquences pour le droit matériel ? Enfin, n’existe-t-il pas un risque de « tyrannie des valeurs » [12] ?
Informations pratiques
Cette journée labellisée par l’Association Française d’Etudes Européennes (AFEE) est organisée par l’Association des doctorants en études et recherches européennes de Bayonne (ADEREB). Elle se tiendra au Collège d’études européennes et internationales de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, sur le campus de Bayonne, le jeudi 12 et le vendredi 13 février 2026.
Le Professeur Marc Blanquet (Université Toulouse Capitole, IRDEIC, Directeur de l’EDT-R, Chaire Jean Monnet ad personam, Président honoraire de l’AFEE) sera le grand témoin de cette journée.
Une publication des actes est prévue dans la Revue du droit de l’Union Européenne, à l’issue de la journée d’étude.
Pour répondre à cet appel à contribution, les doctorants et jeunes docteurs enverront par mail ( adereb64@gmail.com ), et avant le 30 novembre 2025, leur proposition de contribution de deux pages maximum rédigées en français ainsi que leur CV et sujet de thèse. Une réponse à chaque proposition sera donnée au plus tard le 18 décembre 2025.
Une partie des frais engagés par les contributeurs pourra être prise en charge.
Direction scientifique :
François-Vivien Guiot (Maître de conférences en droit public, UPPA)
Comité scientifique :
Thomas Andreu, Léa Lebeau et Emeline Louvet (Doctorants du Centre de documentation et de recherches européennes)
Comité d’organisation :
Thomas Andreu, Valentine Allard, Oladjidé Batcho, Marine Bosc, Thomas Durand, Lise Etienne, Salima Gartomi, Mathias Gulacsy, Aristide-Kévin Honsran, Paco Jimenez, Léa Lebeau, Emeline Louvet, Elena Ostrovskaya, Baptiste Peyrou, Maléna Pizzanelli, Margot Riem (Doctorants du CDRE)
[1] Voir récemment M. BLANQUET (dir.), Valeurs fondatrices de l’Union européenne. Valeurs communes aux Etats membres, Presses de l’Université Toulouse Capitole, Collection Plumes d’Europe, 2025
[2] J.-P. JACQUÉ, « Crise des valeurs dans l’Union européenne ? » , RTD eur., 2016, p. 213
[3] S. TORCOL, « Du discours des valeurs à leur juridicisation : le défi du droit constitutionnel européen », Rev. UE, 2017, p. 596
[4] E. DUBOUT, « Peut-on défendre les valeurs de l’Union européenne par le droit ? » , RDLF, Chronique n°80,
[5] S. PLATON, « Le respect de l’Etat de droit dans l’Union européenne : la Cour de Justice à la rescousse ? » , RDLF, Chronique n°36, 2019 (souligné par l’auteur)
[6] L. S. ROSSI, « La valeur juridique des valeurs. L’article 2 TUE : relations avec d’autres dispositions de droit primaire de l’UE et remèdes juridictionnels » , RTD eur., 2020, p. 639
[7] Commission c/ Hongrie (Valeurs de l’Union) Valeurs de l’Union : l’avocate générale Ćapeta considère que, en interdisant ou en restreignant l’accès aux contenus LGBTI, la Hongrie a violé le droit de l’Union, concl. de l’avocate générale dans l’affaire C-769/22, Communiqué de presse n°64/25, Cour de justice de l’Union européenne, 5 juin 2025
[8] Article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
[9] Concl. de l’avocate générale Tamara Ćapeta présentées le 5 juin 2025 dans l’aff. C-769/22, Commission européenne c/ Hongrie, pt 195
[10] CJUE, grande chambre, Association syndicale des juges portuguais, 27 février 2018, affaire C-64/16
[11] Risque évoqué, et écarté, par G. MARTI, « Loi anti-LGBT en Hongrie : le droit peut-il protéger les valeurs de l’Union européenne ? », Le Club des juristes, 20 juin 2025