Droit – Formation - Avocats

Par Laura DELIMARD

Doctorante,

Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin – Lyon 3

 

Décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats

Arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats

 

Certaines réformes sont longuement attendues alors que d’autres sont source d’angoisses et d’inquiétudes ; tel est le cas pour les étudiants en droit qui rêvent de devenir avocat et qui doivent se soumettre à l’examen du C.R.F.P.A. ou plus communément appelé « le pré C.A.P.A. ». Il a souvent été question dans la bouche du Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche de réformer l’examen d’accès au C.R.F.P.A. Cela a été concrétisé avec le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats et l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats.

 

I. Un examen dépoussiéré, encadré par la Commission nationale

 

L’accès à la profession d’avocat est subordonné à la réussite de l’examen d’entrée dans les Centres régionaux de formation de la profession d’avocat, organisé jusqu’alors de manière indépendante par les Instituts d’Etudes Judiciaires (I.E.J).

Jusqu’alors, les épreuves d’admissibilité consistaient en des écrits de quatre matières, la note de synthèse d’une durée de cinq heures affectée d’un coefficient 2, le droit des obligations, une matière procédurale à choisir entre la procédure civile, pénale ou administrative, notée sur 20. Ces deux épreuves avaient lieu en même temps, les candidats avaient alors cinq heures pour répondre à ces deux sujets. Enfin une matière pratique dite de spécialité devait être choisie dans une liste de onze matières : droit des personnes et de la famille ; droit patrimonial ; droit pénal général et spécial ; droit administratif ; droit commercial et des affaires ; procédures collectives et sûretés ; droit public des activités économiques ; droit du travail ; droit international privé ; droit communautaire et européen ; droit fiscal des affaires ; notée sur 40.

À l’issue de l’admissibilité, les étudiants pouvaient se présenter aux épreuves orales d’admission, il y avait trois oraux obligatoires, le grand oral portant sur les libertés fondamentales, un deuxième oral portant sur une matière de spécialité et un oral de langue. Elles étaient respectivement notées sur 60, 40 et 20. Cet examen proposait un programme dense très souvent décrié par les étudiants, qui estimaient qu’ils n’étaient pas préparés de façon égale entre les différents Instituts d’Etudes Judicaires.

Dès le mois de septembre, l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. va connaître des bouleversements, désormais la porte d’entrée vers le métier d’avocat sera la même pour tout le monde. Il demeure toujours un examen universitaire organisé par des « centres d’examen » désignés par le recteur d’académie, après avis du Garde des Sceaux. Les épreuves peuvent être organisées conjointement par plusieurs centres d’examen. En revanche, les dates deviennent nationales, tous les étudiants composeront en même temps sur des épreuves écrites et sur un sujet unique déterminé par une commission nationale1, composée de huit membres, nommés par arrêté conjoint du Ministre de la Justice et du Ministre chargé de l’enseignement supérieur.

Pièce maîtresse de l’uniformisation de l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle, la Commission nationale, conformément à ses prérogatives prévues à l’article 51-1 du décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016, apporte les précisions et les recommandations relatives aux épreuves d’admissibilité de cet examen.

La Commission nationale aura, tout d’abord, pour mission d’élaborer les sujets des épreuves écrites d’admissibilité. Il lui reviendra également si elle l’estime nécessaire et dans un calendrier qui lui appartient, de préciser la nature des épreuves dans le silence des textes, notamment s’agissant des épreuves de droit des obligations et de procédure, et de préciser ou de recentrer les programmes.

De plus, cette dernière aura pour mission d’harmoniser les critères de correction de ces épreuves et d’établir à cette fin des recommandations qui peuvent prendre la forme de grilles de notation à destination des jurys et des correcteurs.

L’harmonisation de la correction dépendra du degré de précision des indications formulées par la Commission nationale. Les grilles de notation quant à elles ne sont, selon le texte, qu’une simple faculté. Une stricte confidentialité des travaux de la Commission devra être assurée. Elle devra, par ailleurs, conformément à l’article 8 de l’arrêté du 17 octobre 2016 précité, déterminer, avant le 1er juillet, les documents pouvant être utilisés par les candidats. Enfin, la Commission déterminera les conditions de sécurisation de la transmission des sujets.

 

II. Les nouvelles modalités pratiques prévues par l’arrêté du 17 octobre 2016

 

Selon leurs choix de matières, les candidats seront rassurés d’observer que l’organisation pratique reste identique, à savoir, une inscription dans l’IEJ de son choix. Les deux temps forts que sont les périodes d’admissibilité et d’admission restent en vigueur. Le changement réside dans le contenu, notamment pour les épreuves d’admissibilité.

L’article 5-1° de l’arrêté du 17 octobre 2016 maintien la note de synthèse d’une durée de cinq heures mais avec une affection d’un coefficient 3.

L’article 5-2° de l’arrêté du 17 octobre 2016 prévoit une durée de trois heures pour l’épreuve de droit des obligations pour un coefficient 2. Le programme de l’épreuve portant sur les contrats, la responsabilité civile, le régime général de l’obligation, la preuve.

L’article 5-3° de l’arrêté du 17 octobre 2016 vise une épreuve à caractère pratique, destinée à vérifier l'aptitude à résoudre un ou plusieurs cas pratiques, d'une durée de trois heures, au choix du candidat, exprimé lors du dépôt de son dossier d'inscription, dans l'une des matières suivantes : droit civil; droit des affaires; droit social ; droit pénal; droit administratif ou bien encore droit international et européen. La note est affectée d'un coefficient 2.

L’article 5-4° de l’arrêté du 17 octobre 2016 prévoit une épreuve de procédure de deux heures avec un coefficient 2. La procédure civile et modes alternatifs de règlement des différends concerne les candidats ayant choisi le droit civil, le droit des affaires ou le droit social. La procédure pénale sera choisie par les candidats ayant choisi le droit pénal. Les candidats ayant choisi le droit administratif composeront sur l’épreuve de procédure administrative contentieuse. Enfin, les candidats ayant choisi le droit international et européen pourront choisir de traiter un sujet de procédure civile et des modes alternatifs de règlement des différends ou un sujet de procédure administrative et contentieuse.

Les épreuves d’admission débutent le 2 novembre de chaque année ou le premier jour ouvrable qui suit. Les candidats ne peuvent se présenter aux épreuves d'admission s’ils n’ont pas été déclarés admissibles par le jury. Le « grand oral » est toujours la principale épreuve d’admission. L’exposé porte sur un sujet « relatif à la protection des libertés et des droits fondamentaux permettant d’apprécier les connaissances du candidat, la culture juridique, son aptitude à l’argumentation et à l’expression orale ». La nouveauté provient du fait que le programme de l’épreuve est élargi pour intégrer la « culture juridique générale » et la durée de l’entretien avec le jury est augmenté de quinze minutes, changements qui s’accompagnent d’une augmentation du coefficient de l’épreuve, qui se déroule en « séance publique ». Cet entretien de quarante-cinq minutes est destiné à apprécier les connaissances du candidat et son aptitude à la prise de parole. L’épreuve de langue perdure mais l’anglais est désormais la langue imposée, les candidats n’ayant plus le choix. Toutefois, « à titre transitoire, et jusqu’à la session 2020 incluse, l’interrogation orale en langue anglaise prévue à l’article 7 peut être remplacée, au choix des candidats, par une interrogation orale dans une autre langue vivante étrangère parmi les langues suivantes : allemand, arabe classique, chinois, espagnol, hébreu, italien, japonais, portugais, russe », article 12 de l’arrêté. Il est nécessaire de préciser que la plupart des candidats vont regretter le système des dispenses « des petites épreuves » et la nouvelle affectation d’un coefficient 1 pour l’épreuve de langue.

Pour être admis, les candidats doivent avoir obtenu une moyenne au moins égale à 10 sur 20 à l'ensemble des épreuves d’admissibilité et d'admission. Les résultats d’admission sont publiés par chaque université le 1 er décembre de l’année de l’examen ou le premier jour ouvrable suivant. Une attestation de réussite est délivrée aux candidats admis en vue de leur inscription au C.R.F.P.A., dont la formation débute le 1 er janvier suivant.

Cette réforme valorise les compétences transversales des candidats, à savoir la capacité de synthèse, d'argumentation et la capacité à mobiliser des connaissances juridiques dans une optique pratique. En outre cette réforme permettra de mieux mettre en lumière les aptitudes indispensables des candidats à l’exercice de la profession d’avocat. Cette réforme tend à unifier les modalités d’accès aux écoles d’avocats. Ainsi cette réforme semble faire écho à l’exhortation célèbre de LOISEL dans son « Dialogue des avocats du Parlement de Paris » en 1602, qui écrivait à l’attention des jeunes avocats « Vous devez tous prendre courage de travailler, et estimer que de quelque pays ou nation que l’on soit, il y a de la place pour tous au barreau ».

Pour en savoir plus : Jean-Victor Borel, avocat associé Borel & Del Prete, « Réforme de l'examen d'entrée aux CRFPA - La Commission nationale dévoile son interprétation du nouveau règlement d'examen », La Semaine Juridique Edition Générale n° 16, 17 Avril 2017, Etude, 458.

L. D.


1 En qualité de professeurs des universités ou maîtres de conférences et personnels assimilés, y siègent ainsi Sara Brimo, maître de conférences à l’université Paris-I, Natalie Fricero, professeure des universités et directrice de l’Institut d’études judiciaires de l’université de Nice, Pierre-Yves Gautier, professeur des universités à l’université Paris-II, ainsi que Franck Petit, professeur des universités à l’université d’Avignon. Sont également nommés en qualité d’avocats : Manuel Ducasse, avocat au barreau de Bordeaux, Jean-Pierre Grandjean, avocat au barreau de Paris, Élizabeth Ménesguen, avocate au barreau du Val-de-Marne et Christine Ruestsch, avocate au barreau de Strasbourg. Natalie Fricero est désignée présidente de cette commission.

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