Droit civil – Droit des personnes – Licence 1

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

 

Article 56 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

Circulaire du 17 février 2017 de présentation de l’article 56, I de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

Décret n° 2017-450 du 29 mars 2017 relatif aux procédures de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l'état civil

 

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle est venue réformer la procédure de changement de prénom ainsi que la procédure de modification de la mention du sexe sur l’état civil d’une personne.

 

I. Procédure de changement de prénom

 

La loi du 18 novembre 2016 a déjudiciarisé la procédure de changement de prénom prévue à l’article 60 du Code civil.

Auparavant, la demande de changement de prénom relevait de la compétence du juge judiciaire et plus particulièrement du juge aux affaires familiales qui statuait, sur requête de l’intéressé ou du représentant légal s’il s’agissait d’un mineur. Le juge devait prendre en compte l’intérêt légitime à changer de prénom.

 

Nouvel article 60 du Code civil

« Toute personne peut demander à l'officier de l'état civil à changer de prénom. La demande est remise à l'officier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. S'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée.

Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.

La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l'état civil.

S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu'elle est contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »

 

Ancien article 60 du Code civil

(dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016)

« Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l'intéressé ou, s'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut pareillement être décidée.

Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. »

 

Désormais et ce depuis le 20 novembre 2016, qu'il s'agisse d'obtenir les modifications, adjonctions ou suppressions d'un ou plusieurs prénoms, ou encore les modifications de l'ordre des prénoms, la demande de changement de prénom doit être portée devant l'officier de l'état civil, excepté, naturellement, pour les procédures en cours devant le juge aux affaires familiales. La circulaire du 17 février 2017 détaille la procédure à suivre.

 

Compétence territoriale

La demande de modification doit être portée devant l'officier de l'état civil du lieu de résidence de la personne concernée ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. Elle sera portée au service central d'état civil du Ministère des affaires étrangères à Nantes pour les actes de naissance des français nés à l’étranger.

 

Personnes habilitées à déposer la demande

La personne concernée ou le représentant légal d'un mineur ou d'un majeur sous tutelle devra signer et remettre la demande en personne. Aucune demande de changement de prénom ne pourra être faite par courrier, email ou télécopie ou par une tierce personne.

S’agissant de la demande de changement de prénom d'un enfant mineur, elle devra émaner des deux parents dans la mesure où elle ne relève pas des actes usuels. Le formulaire-type devra être signé par les deux représentants légaux et être accompagné de leurs pièces d'identité respectives. En revanche, la remise de la demande en mairie pourra être effectuée par l'un d'eux seulement. En cas de désaccord entre les parents, le juge des tutelles pourra être saisi pour autoriser le dépôt de la demande. Le parent qui ne dispose pas de l'autorité parentale devra toutefois être informé de la demande.

Lorsque l'enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement personnel est requis.

Il en sera de même pour le majeur sous tutelle qui devra consentir personnellement au changement puisque la demande figure au nombre des actes personnels (article 458 du Code civil). Sa présence lors du dépôt de la demande est à privilégier en sus de celle de l'un de ses représentants légaux. S’il y a désaccord avec le tuteur, le juge des tutelles devra être saisi pour nommer un tuteur ad hoc, qui pourra alors déposer une demande de changement de prénom reflétant l'intention personnelle du majeur protégé.

Les demandes de changement de prénom d’un majeur placé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou à l'égard duquel une habilitation familiale a été délivrée peuvent valablement l'être par le seul majeur.

 

La constitution du dossier

Afin de voir sa demande instruite, le demandeur doit fournir :

  • la copie intégrale de son acte de naissance datant de moins de 3 mois, de l'acte de l'état civil détenu par le service central d'état civil du Ministère des affaires étrangères ou encore de l'acte de naissance étranger ne datant pas de plus de 6 mois traduit par un traducteur assermenté et légalisé ou revêtu de l'apostille lorsque le demandeur (français ou étranger) ne dispose pas d'un acte de naissance dressé et transcrit en France. Précisons que l'étranger devra produire également un certificat de coutume, sauf s'il est réfugié, apatride ou bénéficiaire de la protection subsidiaire ;
  • l'original de sa ou ses cartes d'identité (cas de double nationalité) ou de tous autres documents officiels ;
  • un justificatif de domicile récent ou en cas d'hébergement chez un tiers, une attestation sur l'honneur établie par celui-ci avec précision de la période d'hébergement ;
  • tous documents utiles à la demande afin d'attester de l'intérêt légitime au changement de prénom, comme les attestations de proches, certificats de professionnels de santé faisant état des difficultés rencontrées par l'intéressé, livret de famille étranger, etc. ;
  • la copie intégrale originale de l'ensemble des actes de l'état civil concernés par le changement : acte de mariage, acte de naissance du conjoint ou du partenaire pacsé, acte de naissance des enfants ;
  • la copie du livret de famille.

 

Lorsque la demande concerne un enfant mineur, d’autres documents devront être remis :

  • la copie d'une pièce d'identité en cours de validité du ou des représentants légaux de l'enfant ;
  • la copie intégrale originale de l'acte de naissance de l'enfant ou, le cas échéant, le dispositif des décisions judiciaires accompagnées de la preuve de leur caractère définitif (adoption simple, décision statuant sur l'autorité parentale), la déclaration d'exercice conjoint de l'autorité parentale effectuée devant le greffier en chef du Tribunal de grande Instance ou dans le cadre d'une requête aux fins d'adoption simple de l'enfant du conjoint ou encore la délibération du conseil de famille ou la décision du conseil départemental pour les enfants pour lesquels aucun des parents n'est le représentant légal ;
  • le formulaire de déclaration exprimant le consentement du mineur de plus de 13 ans, renseigné et signé par l'enfant avec une photocopie d'une pièce d'identité (carte d'identité, passeport) en cours de validité comportant la signature de l'enfant.

 

Lorsque la demande concerne un majeur sous tutelle, le tuteur devra également produire :

  • une copie de la décision de justice l'ayant désigné ou renouvelé en cette qualité ;
  • une copie de sa pièce d'identité en cours de validité ;
  • une copie de la décision de justice l'ayant désigné ou renouvelé en cette qualité ;
  • une copie de sa pièce d'identité en cours de validité.

 

Un récépissé de dépôt de la demande leur sera remis.

 

Décision

Il appartient à l'officier de l'état civil d’apprécier la demande de changement de prénom au regard du seul intérêt légitime au changement sollicité.

Les nouvelles dispositions de l'article 60 du Code civil précisent que l'intérêt légitime doit être apprécié en particulier au regard de l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille.

Une annexe prévue dans la circulaire de février 2017 dresse un panorama de critères majoritairement retenus par les juges aux affaires familiales et qui sont toujours d'actualité. Ainsi, un changement de prénom pour des motifs de pure convenance personnelle ne saurait être considéré comme légitime.

Après examen de la demande, l'officier pourra autoriser le changement de prénom. Cette décision sera communiquée au demandeur ou à son représentant légal par tout moyen dans un délai raisonnable.

 

Opposition fondée sur l’absence d’intérêt légitime

S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, l’officier de l’état civil pourra également saisir, sans délai, le procureur de la République et devra en informer parallèlement l'intéressé ou son représentant légal par tous moyens. Le décret du 29 mars 2017 est venu préciser que le procureur de la République territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est détenu l’acte de naissance de l’enfant. Lorsque l’acte de naissance a été dressé ou transcrit par les autorités diplomatiques ou consulaires, les officiers de l’état civil doivent alors s’adresser au procureur de la République du lieu où est établi le service central du Ministère des affaires étrangères, c’est-à-dire Nantes.

Si le procureur de la République s'oppose, par décision motivée à ce changement, il devra notifier sa décision, par tous moyens, au demandeur et en informer l'officier de l'état civil saisi initialement.

En cas d’opposition du procureur de la République au changement de prénom et conformément à l’article 1055-2 du Code de procédure civile, le demandeur ou son représentant légal peut alors saisir le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance auprès duquel le procureur de la République exerce ses fonctions.

Si la demande est acceptée par le juge, c’est ce même procureur qui doit alors transmettre, sans délai, le dispositif de la décision ordonnant le changement du prénom à l’officier de l’état civil dépositaire des actes de l’état civil de l’intéressé en marge desquels est portée la mention de la décision.

Malgré une décision de rejet antérieure, une nouvelle demande de changement de prénom peut toujours être déposée dans la mesure où l'intérêt légitime de la demande s'apprécie au jour de la demande.

 

Modification des actes de l'état civil

Conformément aux dispositions de l’article 49 du Code civil, dans le délai de trois jours qui suivent la décision d'autorisation, l'officier de l'état civil envoie, par courrier ou via le dispositif COMEDEC, les avis de mention aux officiers de l'état civil dépositaires des actes qui devront être mis à jour dans les meilleurs délais. Ces avis seront opposables à tous à compter de cette mise à jour.

Précisons que l’officier de l'état civil du lieu de naissance de l'intéressé devra par ailleurs transmettre à l'INSEE le bulletin correspondant aux fins d'actualisation des données personnelles relatives au demandeur.

Concernant les actes étrangers, l'officier de l'état civil transmettra l'avis de mention du changement correspondant à l'autorité désignée pour le recevoir conformément à la convention bilatérale ou multilatérale applicable. À défaut, l'intéressé devra lui-même effectuer les démarches auprès de l'autorité locale.

 

II. Procédure de changement de la mention du sexe sur l’état civil

 

La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle en date du 18 novembre 2016 a créé une procédure judiciaire de demande de changement de la mention du sexe et, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l'état civil.

Cette réforme législative permet donc à toute personne majeure ou mineure émancipée, qui démontre que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue, d’obtenir cette modification. Cette demande peut être faite sans que l’intéressé ait à justifier avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation.

Le décret du 31 mars 2017 prévoit la procédure applicable à la modification de la mention du sexe à l’état civil devant le Tribunal de grande Instance et adapte le décret n° 74-449 du 15 mai 1974 pour permettre la délivrance d’un nouveau livret de famille contre remise du précédent.

 

Compétence territoriale

La demande en modification de la mention du sexe et, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l’état civil, est de la compétence du Tribunal de grande instance dans le ressort duquel soit la personne intéressée demeure, soit son acte de naissance a été dressé ou transcrit.

 

La demande

La demande est formée par requête remise ou adressée au greffe et relève de la matière gracieuse.

Le cas échéant, cette requête précise si la demande tend également à un changement de prénom. Précisons que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.

 

La décision du tribunal et ses conséquences sur les autres actes d’état civil

Le Tribunal de grande instance statue sur la demande de changement de la mention du sexe sur l’état civil de l’intéressé.

Si le tribunal accède à la demande, l’intéressé, son conjoint et ses éventuels enfants (s'ils sont majeurs) peuvent demander la modification des actes qui les concernent. Pour cela, ils doivent s'adresser au procureur de la République situé dans le ressort du tribunal.

La modification des prénoms emporte des effets sur les actes de l'état civil du conjoint et des éventuels enfants. En effet, le décret du 29 mars 2017 prévoit que le tribunal ordonne la modification de ces actes. Préalablement à ces modifications, le tribunal aura constaté le consentement des intéressés ou des représentants légaux.

Dans tous les cas, le procureur de la République ordonne l'apposition de la modification des prénoms sur les actes concernés.

L'un des époux ou l'un des parents est alors en droit de demander la délivrance d'un nouveau livret de famille. Le document est remis aux intéressés en échange du précédent.

En conclusion, on peut constater que ces modifications concernant le changement de prénom et le changement de la mention du sexe viennent compléter les autres dispositifs mis en place par la loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle. On ne peut qu’une nouvelle fois souligner la volonté constante du législateur de déjudiciariser différentes procédures. En effet, après avoir mis le divorce par consentement mutuel entre les mains des avocats et notaires, il confie aux officiers de l’état civil, outre la réception des PACS à partir de novembre prochain, la modification du prénom sur l’état civil. Espérons que ces différentes réformes permettront d’atteindre les objectifs poursuivis, un allègement et un raccourcissement des procédures pour une justice plus simple et plus accessible.

M. F.-B.

Faculté de Droit