Droit civil – Droit de la famille – Licence 1

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

 

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 3, 17 novembre 2016 – n° 14/14482

 

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Paris rappelle le caractère institutionnel du mariage en droit français, qui est assorti de devoirs et d’obligations non-aménageables par les époux.

S’il n’existe pas d’obligation de fidélité dans le concubinage, ni dans le PACS, il s’agit d’une obligation légale dans le mariage à laquelle il n’est pas possible de déroger.

En effet, l’article 212 du Code civil prévoit que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».

 

La violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, imputable à son conjoint et rendant intolérable le maintien de la vie commune, permet à un époux d’obtenir le prononcé d’un divorce pour faute aux torts exclusifs de l’autre époux.

Le législateur en édictant les devoirs et obligations du mariage a permis qu’une multitude de faits soient constitutifs d’une faute.

Ainsi, l’abandon du domicile conjugal par l’épouse sans autorisation, sans urgence et sans motif légitime est constitutif d’une faute au sens de l’article 242 du Code civil. De la même manière, l’activité professionnelle de l’épouse, masseuse naturiste, constitue une attitude injurieuse à l’égard de l’époux et une faute au sens de l’article 242 du Code Civil.

En l’espèce, les juges d’appel rappellent que l’adultère d’un époux est fautif, même si son conjoint n’y attache pas d’importance parce que l’obligation de fidélité perdure au-delà de la séparation des époux et tant que le divorce n’a pas été prononcé.

 

Analyse des faits et de la procédure

 

Une femme a introduit une procédure de divorce pour faute à l’encontre de son époux invoquant l’infidélité de son mari suite à la relation adultère qu’il a entretenue avec une autre femme quelques mois après leur séparation. En l’espèce, les époux étaient séparés de fait mais le juge n’a été saisi d’une demande en divorce que deux ans après leur rupture.

En première instance, le divorce est prononcé aux torts partagés des époux par la Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 19 mai 2014. Ledit jugement ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux conformément au régime matrimonial des époux et condamne Monsieur à payer la somme de 100 000 € à titre de prestation compensatoire en capital à son épouse.

L’épouse interjette appel de la décision rendu par la Tribunal de Grande Instance de Paris.

 

Analyse de l’arrêt de la Cour d’appel

 

Dans son arrêt en date du 17 novembre 2016, la Cour d’appel de Paris rend une décision intéressante en prononçant le divorce aux torts partagés des deux époux aux motifs que, compte tenu de la nature singulière de leur rapport mutuel au sexe pendant leur vie commune, aucun des deux époux ne parvient à convaincre du préjudice que lui aurait causé la liberté de l'autre sur cet aspect.

Rappelons que la charge de la preuve des faits fautifs repose sur le demandeur au divorce pour faute aux torts exclusifs de son conjoint. Une fois la faute prouvée par l’époux non fautif, il est possible de demander à son conjoint le versement de dommages-intérêts sur deux fondements.

Le premier fondement est l’article 266 du Code civil lorsque la dissolution du mariage pour l’époux non fautif va entraîner des conséquences d’une particulière gravité.

 

Article 266 du Code civil

Sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.

Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce.

 

Le second fondement repose sur l’ancien article 1382 du Code civil, devenu depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1240, s'agissant du préjudice résultant de toutes autres circonstances que la dissolution du mariage et causé par le comportement du conjoint.

 

Ancien article 1382 du Code civil

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

 

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté le mari de sa demande de dommages-intérêts. En effet, la Cour d’appel relève qu’il ne peut être retenu que l'époux, qui a été en mesure de s'engager dans une autre relation amoureuse avec une autre femme trois mois seulement après la séparation, aurait subi des conséquences d'une particulière gravité en raison de la dissolution du mariage.

La Cour d’appel a notamment retenu que le fait que le mari ait pu tenir des conversations sexuelles ouvertement alors que sa femme était à ses côtés, qu'il ait pu parler de clubs échangistes et qu'il ait pu proposer à une amie de sa femme de se revoir, témoigne d'une conception des rapports conjugaux qui ne peut constituer un manquement aux obligations du mariage que si elle n'est pas partagée par l'autre. Ainsi, les juges d’appel en déduisent que ce comportement, partagé par les époux, ne peut pas être retenu comme rendant intolérable le maintien de la vie commune.

En outre, la Cour d’appel retient que, le seul fait que la femme déclare ne plus être amoureuse de son mari ne peut être retenu, l'amour ne faisant pas partie des obligations du mariage. Cependant, le fait qu'elle ait multiplié les relations sexuelles avec d'autres hommes est, quant à lui, constitutif d’une faute.

Les demandes de dommages-intérêts des époux fondées sur les articles 266 et 1382 du Code civil sont donc rejetées.

En conclusion, les juges d’appel ont ici souhaité protéger l’institution du mariage en rappelant que l’entretien d’une relation adultère constitue un motif de divorce aux torts de l’époux adultère, et cela même si l’autre n’y attache aucune importance. Les époux ne peuvent donc déroger à l’obligation de fidélité, ni même s’en dispenser mutuellement. Ainsi, tant que le mariage demeurera perçu par les juges comme une institution, le divorce pour faute demeurera.

M. F.-B.

Faculté de Droit