Droit civil – Droit de la famille – Licence 1

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

Décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l'article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale

 

La loi de modernisation de la justice du XXI e siècle du 18 novembre 2016 a modifié un certain nombre de dispositions dans une multitude de domaines. Au titre de ses idées phares figure la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel.

 

Cette procédure de divorce a été créée par la loi du 11 juillet 1975 qui a permis aux époux de divorcer grâce à une voie amiable. La loi du 18 novembre 2016 vient modifier ce divorce amiable en supprimant le recours au juge pour cette forme de séparation des époux. Avec cette nouvelle réforme, le divorce amiable deviendra donc un divorce extra-judiciaire à compter du 1er janvier 2017.

Ainsi, le législateur insère de nouveaux articles au sein du Code civil.

 

Article 229-1 du Code civil

Lorsque les époux s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l'article 1374.
Cette convention est déposée au rang des minutes d'un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l'article 229-3. Il s'assure également que le projet de convention n'a pas été signé avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article 229-4.
Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire.

 

Article 229-2 du Code civil

Les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque :

1° Le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l'article 388-1, demande son audition par le juge ;

2° L'un des époux se trouve placé sous l'un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre.

 

Article 229-3 du Code civil

Le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas.

La convention comporte expressément, à peine de nullité :

1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;

2° Le nom, l'adresse professionnelle et la structure d'exercice professionnel des avocats chargés d'assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;

3° La mention de l'accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ;

4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s'il y a lieu au versement d'une prestation compensatoire ;

5° L'état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation ;

6° La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l'article 388-1 et qu'il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.

 

Article 229-4 du Code civil

L'avocat adresse à l'époux qu'il assiste, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l'expiration d'un délai de réflexion d'une durée de quinze jours à compter de la réception.

La convention a force exécutoire au jour où elle acquiert date certaine.

 

Concernant l’entrée en vigueur de la loi

 

Ces nouvelles dispositions relatives au divorce par consentement mutuel sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017. Ainsi, les requêtes en divorce déposées au greffe avant cette date seront traitées selon les règles en vigueur avant cette date.

 

Rappel concernant l’ancien divorce par consentement mutuel

 

Rappelons que jusqu’au 1er janvier dernier, le divorce par consentement mutuel était possible lorsque les époux étaient d’accord à la fois sur le principe et sur les conséquences du divorce. Il s’agissait d’une procédure gracieuse dans laquelle le juge était saisi, à la suite d’une requête unique des époux, présentée par leurs avocats respectifs ou par un seul et même avocat.

Une première réforme avec la loi du 24 mai 2006 de simplification de la procédure de divorce avait réduit à une fois la comparution des époux. En effet, auparavant, les époux comparaissaient deux fois et la première comparution avait pour but de tenter de réconcilier ou concilier les époux. L’instauration d’une seule comparution avait alors impliqué qu’une convention définitive soit établie avant la saisine du juge. Ainsi, la requête devait être accompagnée d’une convention portant règlement des effets du divorce et incluant notamment un état liquidatif du régime matrimonial ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation, à peine d’irrecevabilité.

Le juge aux affaires familiales était alors saisi par requête, accompagnée de la convention et devait convoquer les époux à une audience.

Lors de cet entretien, le juge était tenu de vérifier le consentement réel, libre et éclairé des époux. Ce consentement devait porter sur la décision de divorcer d’une part et sur les conséquences du divorce d’autre part. Le juge pouvait également refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constatait que la convention préservait insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux.

 

Le contexte de cette réforme

 

Cette réforme du divorce amiable intervient dans une volonté de désengorger les tribunaux et dans un souci de simplifier et d’accélérer la procédure de divorce non contentieuse.

L’élaboration de la nouvelle loi réside surtout dans l’idée que l’office du juge doit se recentrer sur une activité juridictionnelle définie. En effet, cette volonté d’alléger la tâche du juge trouve sa source dans un contexte économique d’insuffisances de crédit alloué à la justice et d’un nombre insuffisant de magistrats, débordés et incapables de traiter des contentieux de masse dans un délai raisonnable.

Cette réforme est également motivée par la volonté de ne plus compliquer le divorce par le maintien de procédures inutilement complexes.

Enfin, une autre justification à la déjudiciarisation réside dans la volonté de la société de trouver des solutions contractuelles, préférées par les justiciables. Ainsi, à côté de la justice étatique, figure aujourd’hui une justice contractuelle qui permettrait de régler les litiges.

 

Cas d’exclusion du divorce déjudiciairisé

 

Le législateur a prévu des cas dans lesquels les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats.

En effet, lorsque l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l'article 388-1, demande à être auditionné par le juge, le divorce ne peut se faire par acte sous seing privé contresigné par avocats. Ainsi, dès lors qu'un enfant mineur manifeste son souhait d'être entendu par le juge, la juridiction peut être saisie selon les modalités prévues aux articles 1088 à 1092.

Après avoir procédé à l'audition du mineur ou, en l'absence de discernement, avoir refusé son audition, le juge aux affaires familiales doit convoquer chacun des époux par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date qu'il fixe pour leur audition et en aviser le ou les avocats.

De la même manière et comme c’était déjà le cas dans les dispositions concernant l’ancien divorce par consentement mutuel, ce type de procédure ne peut être appliqué lorsque l’un des époux fait l’objet d’un régime de protection tel que la tutelle ou la curatelle.

 

Déroulement de la nouvelle procédure

 

Signature de la convention de divorce

Les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel devront, dans un premier temps, signer une convention par acte sous signature privée contresigné par avocats en trois exemplaires. Le décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 a clarifié les modalités procédurales du divorce par consentement mutuel sans juge et veillé à coordonner les nouvelles dispositions du Code de procédure civile avec celles existantes sur les conséquences du divorce.

Ladite convention de divorce doit comporter différentes mentions, à savoir :

  • le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l'office notarial chargé de recevoir l'acte en dépôt au rang de ses minutes,
  • la valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire,
  • les modalités de recouvrement et les règles de révision de la créance ainsi que les sanctions pénales encourues en cas de défaillance, si la convention fixe une pension alimentaire ou une prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

A cette convention, il conviendra d’annexer le formulaire daté et signé par chacun des enfants mineurs. En effet, l'information par les parents prévue au 1° de l'article 229-2 prend la forme d'un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu, ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure.

La convention de divorce mentionne, le cas échéant, que l'information n'a pas été donnée en l'absence de discernement de l'enfant mineur concerné.

En outre, il conviendra d’annexer l'état liquidatif de partage en la forme authentique et l'acte authentique d'attribution de biens soumis à publicité foncière régularisé devant notaire.

 

Conservation

Chaque époux conservera un original de la convention accompagné de ses annexes et revêtu des quatre signatures. Le troisième original est destiné à son dépôt au rang des minutes d'un notaire. Le cas échéant, un quatrième original est établi, dans les mêmes conditions, pour permettre la formalité de l'enregistrement.

 

Transmission au notaire et dépôt de la convention

Dans un délai de sept jours suivant la date de la signature de la convention, celle-ci ainsi que ses annexes doivent être transmises au notaire, à la requête des parties, par l'avocat le plus diligent, aux fins de dépôt au rang des minutes du notaire.

Lorsqu'elles sont rédigées en langue étrangère, la convention et ses annexes doivent être accompagnées d'une traduction effectuée par un traducteur habilité.

La convention et ses annexes seront déposées au rang des minutes du notaire dans un délai de quinze jours suivant la date de la réception de la convention par le notaire. Ce délai est d’ordre public, il ne peut pas y être dérogé. Une fois le délai écoulé, la convention devient définitive et le notaire assure sa conservation.

Ce dépôt au rang des minutes du notaire donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire.

 

Mention du divorce

La mention du divorce sera portée en marge de l'acte de mariage ainsi que de l'acte de naissance de chacun des époux, à la requête de l'intéressé ou de son avocat, au vu d'une attestation de dépôt délivrée par le notaire, laquelle doit mentionner l'identité des époux et la date du dépôt.

Si le mariage a été célébré à l'étranger et en l'absence d'acte de mariage conservé par un officier de l'état civil français, la mention du divorce devra être portée en marge de l'acte de naissance de chacun des époux, si cet acte est conservé sur un registre d'état civil français. À défaut, l'attestation de dépôt doit être conservée au répertoire mentionné à l'article 4-1 du décret du 1er juin 1965 portant création d'un service central d'état civil au ministère des affaires étrangères.

Cependant, cette mention ne peut être portée en marge de l'acte de naissance d'un Français qu'après transcription sur les registres de l'état civil de l'acte de mariage célébré par l'autorité étrangère à compter du 1 er mars 2007.

 

Justification à l'égard des tiers

Le divorce pourra être porté à la connaissance des tiers grâce à la production d'une attestation de dépôt délivrée par le notaire ou d'une copie de celle-ci.

Les mainlevées, radiations de sûretés, mentions, transcriptions ou publications rendues nécessaires par le divorce sont valablement faites au vu de la production, par tout intéressé, d'une copie certifiée conforme de la convention et, le cas échéant, de ses annexes ou d'un de leurs extraits.

 

Possibilité de conversion du divorce en séparation de corps ou de divorce judiciaire

Jusqu'au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d'un notaire, les époux peuvent saisir la juridiction d'une demande de séparation de corps ou de divorce judiciaire dans les conditions prévues aux articles 1106 et 1107.

 

Une nouvelle fonction pour le notaire

 

La vraie innovation de cette réforme réside surtout dans la disparition du recours au juge et dans l'attribution au notaire d'une nouvelle mission. En effet, le juge ne prononcera plus le divorce puisque c'est le notaire qui recevra l'acte de divorce qui aura sa force légale.

Jusque-là, le notaire était déjà fortement impliqué dans la procédure de divorce. Son intervention était d'ailleurs obligatoire en présence de biens immobiliers appartenant aux époux. En effet, il avait pour mission de liquider les intérêts matrimoniaux des époux à la demande du juge, des avocats ou des parties elles-mêmes. Plus précisément, il procédait à la liquidation du régime matrimonial et au partage des biens des époux.

S'il conserve bien entendu ces missions, il interviendra désormais aussi en fin de procédure pour déposer, à la requête des ex-époux, leur convention de divorce au rang de ses minutes et pour lui donner ainsi force exécutoire, c'est-à-dire effet immédiat entre les époux sans aucune procédure judiciaire.

En cela, le législateur a entendu attribuer au notaire une partie de la fonction précédemment dévolue au juge de vérification de la régularité de la procédure. Ainsi, cette réforme consacre à nouveau le statut particulier du notaire, professionnel libéral du droit, mais aussi détenteur d'une parcelle de la puissance publique. Il est, en cela, un magistrat de l'amiable.

 

L’augmentation du coût du divorce supporté par les époux

 

Cette réforme du divorce sans juge risque d’avoir pour conséquence d’augmenter le coût du divorce pour les époux. La loi du 18 novembre 2016 prévoit que les époux seront chacun assistés par un avocat et que la convention de divorce sera enregistrée au rang des minutes d’un notaire.

Avec cette réforme, deux avocats sont donc obligatoires pour divorcer à l’amiable. C’est une nouveauté dans la mesure où, jusqu’au 1er janvier 2017, il était possible de divorcer avec un seul avocat choisi d’un commun accord par les époux.

S’agissant du notaire, le projet de loi prévoyait initialement que la convention devait être enregistrée par un notaire qui ne procéderait pas à un contrôle de l’équilibre des intérêts en présence, cette mission étant assurée par les avocats. L’enregistrement de l’acte par dépôt au rang des minutes du notaire devait notamment être fixé à environ 50 euros.

Finalement, la loi du 18 novembre 2016 consacre l’intervention directe des notaires qui devront analyser les conventions avant de valider le divorce. Il est évident que le travail de contrôle sera nécessairement facturé aux époux mais a priori le montant des honoraires du notaire pour établir l’acte de dépôt demeurera de 50 euros. Cependant, et comme auparavant dans la même hypothèse, en présence de biens immobiliers soumis à publicité foncière, il conviendra d’ajouter les frais de liquidation et partage du régime matrimonial qui sera reçu par acte authentique.

Ainsi, pour divorcer à l’amiable, les époux devront donc rémunérer deux avocats et un notaire. S’il est certain que l’Etat va réaliser des économies en déchargeant le juge aux affaires familiales des divorces par consentement mutuel, il est fort probable que ce soit, en définitive, les époux qui règlent la facture pour une procédure dont la durée devrait être nettement abrégée.

 

Pour avoir une vue résumée du divorce par consentement mutuel, vous pouvez cliquer ici.

Vous pouvez également visualiser les vidéos du site des Notaires de France, Mission Notaire, Chroniques de Julie Courtois en dix actes, pour mieux connaitre la profession de notaire, en cliquant ici.

M. F.-B.

Faculté de Droit