Droit civil – Droit des personnes - Licence 1

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

Réponse ministérielle commentée : Rép. min. n° 85698 JOAN 6 sept. 2016, p. 7998

 

Le mandat de protection future, introduit par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 aux articles 477 et suivants du Code civil, a pour objectif de permettre à une personne qui ne fait pas l'objet d'une mesure de protection, de charger un ou plusieurs mandataires, de la représenter pour le cas où, en raison d'une altération de ses facultés mentales ou d'un état pathologique médicalement constaté, elle se trouverait dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts.

 

Article 477 du Code civil

« Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l'une des causes prévues à l'article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.

La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu'avec l'assistance de son curateur.

Les parents ou le dernier vivant des père et mère, ne faisant pas l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelle ou d'une habilitation familiale, qui exercent l'autorité parentale sur leur enfant mineur ou assument la charge matérielle et affective de leur enfant majeur peuvent, pour le cas où cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts pour l'une des causes prévues à l'article 425 , désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Cette désignation prend effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l'intéressé.

Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat prévu au troisième alinéa ne peut être conclu que par acte notarié. »

 

En dehors de tout mandat, une personne se trouvant dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, peut bénéficier d’une mesure de protection. Cette mesure est alors ordonnée par un juge s’il estime que l’altération de ses facultés mentales ou corporelles sont de nature à empêcher l’expression de sa volonté. Ainsi, trois régimes de protection, plus ou moins contraignants, peuvent être ouverts par le juge : la sauvegarde de justice, la curatelle, ou bien la tutelle.

La mise en place du mandat de protection future constitue un mécanisme très innovant par rapport aux régimes de protection judiciaire précités dans la mesure où il ne nécessite pas l’intervention du juge. C’est le mandant qui organise à l’avance sa protection et celle de ses biens. Il désigne la ou les personnes qui seront chargées de le représenter lorsque son état de santé mentale ou physique ne lui permettra plus de le faire lui-même. Il constitue donc une mesure à caractère contractuel permettant à toute personne majeure ou mineure émancipée, de s’aménager son propre régime de protection.

Il organise ainsi une protection juridique sur-mesure de la personne vulnérable et de son patrimoine. Il peut également être combiné avec la rédaction de directives anticipées qui expriment la volonté de la personne sur les soins de fin de vie.

Dans le dispositif initial, la loi n'avait pas envisagé que le mandat soit publié, contrairement à ce qui est prévu pour les autres régimes de protection, sans doute car il s’agissait d’une protection conventionnelle.

En effet, la curatelle ou la tutelle font l’objet d’une publicité en marge de l’acte de naissance grâce à l’apposition d’une mention. Concrètement, la publicité de la mesure de protection judiciaire est assurée par la publication d'un extrait du jugement au répertoire civil conformément aux articles 1260 et 1057 du Code de procédure civile et une référence en marge de l'acte de naissance du majeur protégé. Cette référence, constituée des initiales R.C. suivies d'un numéro, est portée en marge de l'acte de naissance et renvoie à un fichier, le Répertoire Civil, tenu dans chaque Tribunal de Grande Instance où sont conservés des extraits de toutes les décisions concernant l'intéressé.

En pratique, l'absence de publicité du mandat de protection future pose des difficultés puisque le juge saisi n'a pas les moyens, sauf si le mandataire l'informe lui-même, de connaître l'existence et la teneur du mandat conclu.

Dans son rapport pour l'année 2014, le Conseil supérieur du notariat préconisait d'instaurer une mesure de publicité du mandat de protection future, notamment par la création d'un registre spécifique et l'insertion d'une mention en marge de l'acte de naissance ou du registre d'état-civil. L’établissement d’un tel registre permettrait au juge des tutelles, saisi d’une demande d’ouverture d’une mesure de tutelle ou de curatelle, de s’assurer de l’existence ou non d’un tel mandat. Ainsi, il serait à même de respecter la volonté exprimée par le mandant désormais dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts.

Cette demande a été entendue puisque le législateur a inséré dans la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement, publiée au Journal Officiel du 29 décembre 2015, un nouvel article 477-1 du code civil aux termes duquel le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial.

 

Article 477-1 du Code civil

« Le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'Etat. »

 

Il faut cependant attendre la publication du décret fixant les modalités d'accès au registre pour que les mandats de protection future soient recensés. La publication de ce décret devait intervenir dans l’été 2016 mais n’a toujours pas eu lieu. Dans sa réponse du 6 septembre 2016, le Gouvernement indique seulement que le dispositif sera prochainement mis en œuvre dans le cadre de dispositions réglementaires.

L’objectif ici poursuivi est la diffusion de ce mode de protection, en le rapprochant des autres mesures de protection judiciaire qui font l’objet d’une mesure de publicité sur l’acte de naissance du majeur protégé.

La réponse ministérielle souligne également qu’il n’est pas envisagé de remettre en cause le principe de capacité du bénéficiaire du mandat. En cas de remise en cause des actes passés, le juge pourra toujours rescinder pour simple lésion ou réduire en cas d’excès, les actes passés et les engagements contractés par une personne faisant l’objet d’un mandat de protection future conformément aux dispositions de l’article 488 du Code civil.

 

Article 488 du Code civil

« Les actes passés et les engagements contractés par une personne faisant l'objet d'un mandat de protection future mis à exécution, pendant la durée du mandat, peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d'excès alors même qu'ils pourraient être annulés en vertu de l'article 414-1 . Les tribunaux prennent notamment en considération l'utilité ou l'inutilité de l'opération, l'importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté.

L'action n'appartient qu'à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elle s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304 . »

 

Cette mesure permettra ainsi d’assurer un équilibre entre la protection de la personne et le principe d’une capacité juridique qui reste maintenue. Ces dispositions contribueront surtout à assurer la sécurité juridique du dispositif, en permettant aux professionnels du droit d'avoir connaissance de l'expression de la volonté du mandant et ainsi d'éviter le prononcé d'une mesure de protection judiciaire, comme l’a souligné le Ministre de la Justice.

M. F.-B.

Faculté de Droit