Droit fiscal – Licence 3

Par Aurélien ROCHER

Doctorant, DJCE, Diplômé du CAPA,

Chargé d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon

 

Procédure en cours devant le Tribunal correctionnel de Paris

 

L’affaire « Cahuzac», révélée fin 2012 par la presse, a provoqué une importante onde de choc politique, heurtant au passage la confiance de nombre de concitoyens dans leurs personnalités politiques. Au-delà des aspects médiatiques et politiques qui ne sont pas le sujet de nos propos, le présent papier se propose de revenir sur quelques notions fiscales essentielles situées au cœur de ce scandale retentissant.

 

La procédure actuellement en cours devant le Tribunal correctionnel de Paris, et les trois ans de prison ferme requis par le Parquet National Financier, nous y invitent, sans que ces quelques lignes ne visent à commenter le déroulement de cette affaire qui est entre les mains de la justice (M. Babonneau, « Bienvenue dans le merveilleux monde de la fraude fiscale : 3 ans requis contre Jérôme Cahuzac », D. actu, 21 sept. 2016).

Sur le plan journalistique, tout a commencé par une formule devenue célèbre « les yeux dans les yeux ». Sur le plan fiscal, le point de départ des poursuites initiées à l’encontre de l’ancien responsable politique réside dans l’absence de déclaration des avoirs détenus à l’étranger (voir définition ci-dessous). À l’origine, il était fait mention de comptes ouverts dans un établissement bancaire suisse.

Puis, en parallèle de la montée de l’indignation populaire, des investigations plus approfondies ont été menées aboutissant à la découverte de nombreuses manœuvres destinées, en apparence, à frauder l’impôt. En guise de petit inventaire à la Prévert et non exhaustif, peuvent être mentionnés : des comptes bancaires ouverts sur l'Île de Man, à Singapour, des sociétés dénuées de toute substance à Panama et aux Seychelles, des revenus perçus en espèces, des dépôts réguliers d’argent liquide etc… En somme, les enquêteurs ont pu révéler tout un arsenal de mesures et techniques bien connues de leurs services pour éluder l’impôt. Leur combinaison dans une seule et même affaire contre un ministre, chargé précisément de lutter contre la fraude fiscale, est, en revanche, inédite.

Outre le redressement fiscal qui a naturellement suivi, c’est donc une procédure pénale de fraude fiscale (voir définition ci-dessous) qui a été engagée contre l’étoile montante déchue du Gouvernement et qui est actuellement en cours de jugement.

Rappelons également que, dans le cadre de cette affaire Cahuzac, un décret du 25 octobre 2013 ( D. n° 2013-960, 25 oct. 2013 portant création d'un office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales) a institué l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) chargé de lutter plus efficacement contre les cas d’infractions fiscales (v. pour plus d’informations : Th. de Ricolfis et O. Lejeune, "L'action de la police judiciaire dans la lutte contre la fraude fiscale complexe : l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales", Dr. fiscal 2016, 498).

L’objectif de lutte contre la fraude fiscale rejoint aussi l’objectif, plus ardu, de lutte contre l’optimisation fiscale, portée par le projet BEPS de l’OCDE (voir ma précédente contribution à la Gazette d’actualité, « Sale temps au Paradis… fiscal ! », Juin 2016, n° 10, p. 2).

 

Points de droit

 

Déclaration des avoirs détenus à l'étranger (CGI art. 1649 A, al. 2 et 3 et 1649 AA ; BOI-CF-CPF-30-20) : il s’agit d’une obligation à la charge des personnes physiques (associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale), domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leurs déclarations de revenus, les références des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos par elles à l'étranger. La même obligation existe en matière de contrats d’assurance-vie. A défaut de produire cette déclaration, la personne doit notamment payer une amende fiscale égale au minimum, par compte ou contrat non déclaré, à 1 500 € voire 10 000 € si celui-ci est détenu dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'accès aux renseignements bancaires. Si cela conduit à un montant supérieur à cette forme forfaitaire, l’amende peut même être de 5 % du solde créditeur du compte ou de la valeur du contrat si le total des soldes créditeurs ou valeurs non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 €.

 

Fraude fiscale (CGI, art. 1741 ; BOI-CF-INF-40-10-10) : cette infraction pénale est fortement liée à la matière fiscale puisqu’elle incrimine le comportement visant à se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt. L’élément matériel réside donc dans l'existence de faits matériels tendant à permettre au contribuable de se soustraire totalement ou partiellement au paiement de l'impôt et l’élément intentionnel correspond à une intention délibérée de fraude.

Les sanctions encourues sont, outre les pénalités fiscales applicables par ailleurs, les suivantes :

une amende de 500 000 € et un emprisonnement de cinq ans ;

pouvant être portés à 2 000 000 € et sept ans d'emprisonnement lorsque :

  • la fraude a été commise en bande organisée ou
  • réalisée ou facilitée au moyen, notamment, de comptes ouverts ou de contrats souscrits à l'étranger ; de l'interposition de personnes physiques ou morales ou autres structures (de type trusts notamment) établies à l'étranger.

 

A. R.

Faculté de Droit