Droit civil – Droit des personnes - Licence 1

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

Décret n° 2016-1118 du 11 août 2016 relatif aux modalités d'expression du refus de prélèvement d'organes après le décès

 

Pris pour l'application de l'article 192 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, le décret n° 2016-1118 du 11 août 2016 relatif aux modalités d'expression du refus de prélèvement d'organes après le décès a été publié au Journal Officiel du 14 août 2016. Ce texte issu de l’amendement défendu par Jean-Louis Touraine, introduit une nouvelle façon de faire connaître son refus d’être prélevé et entrera en vigueur à partir du 1 er janvier 2017.

 

Jusqu’à présent, le seul moyen juridiquement reconnu de faire connaître son refus de se voir prélever ses organes après la mort résidait dans l’inscription sur un registre dénommé registre national automatisé des refus de prélèvement.

A défaut d’inscription dans ce registre, les proches du défunt devaient être consultés si le médecin envisageait de prélever un ou plusieurs organes sur le corps.

En effet, aucun organe ne pouvait être prélevé si les proches affirmaient que le défunt y était opposé.

Précisons que le refus de prélèvement ne porte pas forcément sur l’ensemble des organes et des tissus susceptibles d’être prélevés, il peut concerner seulement certains d’entre eux.

D’après les chiffres transmis par le Ministère de la santé, le prélèvement d’organes était jusqu’alors refusé dans un cas sur trois.

Désormais, en application de ce décret du 11 août 2016, le médecin n’aura plus à consulter les proches pour prendre sa décision. Ceux-ci ne pourront donc plus s’opposer au don d’organes. Le médecin devra simplement les informer du prélèvement réalisé.

Le registre des refus de prélèvement perdure et reste le principal dispositif pour faire connaître de son vivant son refus d’être prélevé.

Le décret définit notamment, au terme de l’article R. 1232-4-3 du Code de la santé publique, les différentes modalités d'expression du refus au prélèvement d'organes et de tissus après la mort. Il définit aussi les conditions dans lesquelles le public et les usagers du système de santé sont informés de ces modalités.

De toute évidence, le législateur a ici souhaité encourager le don d’organes et ainsi lutter plus efficacement contre la pénurie de greffons.

 

1/ Le maintien de l’inscription sur le registre national des refus de dons d'organes 

A ce jour, en matière de prélèvement d’organes, la règle principale reste, comme par le passé, celle du consentement présumé. Ainsi, toute personne qui n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’être prélevé, est considérée par défaut comme donneur.

Toute personne qui souhaite s'opposer à un don d'organes doit, de son vivant, s’inscrire sur le registre national des refus. La demande d’inscription sur le registre est faite sur papier libre ou en remplissant le formulaire mis à disposition du public par l’Agence de la biomédecine (ci-dessus). Elle doit être datée, signée, et accompagnée de la photocopie d’une pièce d’identité ou de tout document susceptible de justifier de l'identité de son auteur (passeport périmé depuis moins de cinq ans, du permis de conduire ou d'un titre de séjour).

Cette demande d’inscription doit être adressée à l’Agence de la biomédecine par tout moyen permettant de lui conférer une date certaine de réception. Cette inscription au registre national des refus de dons d'organes est gratuite.

L'équipe médicale prenant en charge toute personne décédée et envisageant de procéder à un prélèvement d’organes consulte systématiquement et obligatoirement ce registre.

 

2/ La mise en place de nouvelles modalités de refus du don d’organe 

Outre l’inscription sur le registre national, de nouvelles modalités d’expression du refus ont été créées par le décret du 11 août 2016.

Une personne peut exprimer son refus de son vivant par écrit et confier ce document à un proche. Pour être valable, ce document doit être daté et signé par son auteur dûment identifié par l’indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance.

Le décret du 11 août 2016 a également prévu l’hypothèse où la personne est dans l’impossibilité physique de manifester sa volonté. En effet, lorsque la personne n’a pas la possibilité de faire connaître son refus parce qu’elle ne peut écrire et signer elle-même ledit document, elle peut demander à deux témoins d’attester que le document qu’elle n’a pu rédiger elle-même est bien l’expression de sa volonté libre et éclairée. Les témoins doivent alors indiquer leur nom et qualité et leur attestation est jointe au document exprimant le refus. Ce document sera ensuite transmis par un proche à l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement.

Enfin, un proche de la personne décédée peut aussi faire valoir le refus de prélèvement d’organes que cette personne aurait manifesté expressément sans l’exprimer par écrit de son vivant. Le décret précise que, dans cette hypothèse, le proche ou l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement doit transcrire, par écrit, ce refus en mentionnant précisément le contexte et les circonstances de son expression. Ce document doit être daté et signé par le proche qui fait valoir ce refus et par l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement.

Tout document écrit attestant du refus de prélèvement d’organe est déposé dans le dossier médical de la personne en cause afin de s’assurer qu’il soit porté à la connaissance de l’équipe médicale.

 

3/ La possibilité de modifier son refus de prélèvement 

Il est toujours possible de revenir sur un refus de don à tout moment. En effet, dès son inscription au registre des refus, la personne bénéficie d'un droit d'accès et de rectification. Aussi, le refus de prélèvement des organes est révisable et révocable à tout moment. L’équipe de coordination hospitalière de prélèvement prend alors en compte l’expression du refus la plus récente.

Pour être supprimé de ce fichier et devenir donneur potentiel, il suffit de faire part de cette volonté par lettre simple à l'Agence de biomédecine.

A ce jour, plus de 20.000 personnes sont en attente d’une greffe. Depuis les années 1990, ce nombre a plus que triplé. Chaque année, des centaines de personnes décèdent faute de greffe. En conséquence, il faut espérer que ce nouveau texte permettra d’accroître le nombre de greffons tout en respectant la volonté personnelle de tout individu de faire don ou pas ses organes et tissus.

M. F.-B.

Faculté de Droit