DROIT CIVIL – DROIT DE LA FAMILLE

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

TA Melun, 22 décembre 2014, n° 1300483, Fédération départementale des libres penseurs de Seine et Marne

Le tribunal administratif de Melun a été amené à se prononcer sur l’application du principe de laïcité du service public. 

I - Les faits de l’espèce

En l’espèce, une crèche représentant la scène de la Nativité a été installée par la mairie de Melun dans une niche, sous le porche, permettant de passer de la cour d’honneur de l’Hôtel de ville au jardin public y attenant. 

II - La procédure

Une requête a été présentée par la Fédération départementale des libres penseurs de Seine et Marne afin de faire annuler la décision par laquelle le maire de la ville a installé cette crèche.

La demanderesse invoque, à l’appui de sa requête, qu’une telle installation dans un lieu public est contraire aux dispositions prévues par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation de l’Eglise et de l’Etat et que la commune a ainsi créé une discrimination entre les citoyens.

III - La solution

Pour rendre sa décision, le Tribunal de Melun se fonde sur différents textes. Il se réfère à l’article 1er de la Constitution de 1958 consacrant le principe de laïcité de la République ainsi que l’égalité entre les citoyens.

Le principe de laïcité est un principe fondamental de notre République selon lequel l’Etat est non confessionnel. Il touche tant à l’organisation qu’au fonctionnement des services de l’Etat et de toute autre personne publique. Ainsi, l’Etat et les collectivités publiques en général ne doivent favoriser ou défavoriser la propagation des croyances ou des règles de vie en société d’aucune religion.

Dans sa décision du 22 décembre 2014, la juridiction administrative fait également référence à la loi du 9 décembre 1905 qui a consacré la séparation de l’Eglise et de l’Etat et plus particulièrement à son article 1 et son article 28.

Article 1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat

La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

Article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat

Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

Article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

Il justifie sa décision en considérant qu’une crèche représentant la Nativité peut certes, être regardée comme une reproduction figurative de la naissance du Christ mais qu’elle peut également être dépourvue de toute signification religieuse. Ainsi, dans la mesure où ladite crèche est installée temporairement, en dehors d’un lieu de culte, à l’occasion des fêtes de Noël, elle doit être regardée comme une décoration festive que la municipalité à coutume d’installer lors des fêtes de Noël. Une telle installation constitue alors un ornement traditionnel au même titre que le sapin de Noël ou encore les illuminations.La combinaison de ces textes fondamentaux conduit à penser que l’installation d’un emblème religieux sur un emplacement public viole le principe de neutralité du service public et de laïcité et méconnait la liberté de conscience assurée à tous les citoyens par la République. Cependant, le Tribunal administratif de Melun n’a pas statué en ce sens puisqu’il a retenu que l’installation d’une crèche sous le porche d’une mairie ne constitue pas une atteinte à la liberté de conscience et au principe de neutralité du service public. Il rejette donc la demande de la Fédération départementale des libres penseurs de Seine et Marne.

IV - L’absence de position unanime des juridictions administratives

En effet, le Tribunal administratif de Montpellier a été saisi, en référé, d’une requête présentée par le Groupe Victor Hugo de la Libre Pensée de l’Hérault reprochant au Préfet de l’Hérault de ne pas faire respecter le principe de laïcité et demandant le retrait d’une crèche mise en place par le maire dans les locaux de la Mairie de Béziers. Par décision en date du 19 décembre 2014, le Tribunal rejette la demande pour défaut d’urgence, retenant également que l’atteinte aux principes de laïcité et de neutralité du service public n’a pas été apportée à l’audience (TA Montpellier, ord. réf., 19 déc. 2014, n° 1405626 : JurisData n° 2014-033618).Ce n’est pas la première fois que la juridiction administrative a pour mission de se prononcer sur l’installation d’une crèche sur le domaine public.

Un mois auparavant, c’est le Tribunal administratif de Nantes qui devait se prononcer sur une requête présentée par La Libre Pensée reprochant au Président du Conseil général de Vendée de ne pas respecter la loi de 1905 en permettant l’installation annuelle d’une crèche de Noël au siège du département. Le Tribunal administratif de Nantes prend une position tout-à-fait différente de celle prise par les magistrats de Melun ou de Montpellier puisqu’il retient dans une décision en date du 14 novembre 2014 que « la décision implicite du Président du Conseil général de la Vendée refusant d’exercer ses pouvoirs pour interdire l’installation d’une crèche de la nativité dans le hall de l’Hôtel du département est annulé ». Pour les juges administratifs nantais, le Président du Conseil général a contrevenu à la légalité en refusant d’utiliser ses pouvoirs pour interdire cette violation de la loi de 1905, la crèche dépassant la simple représentation traditionnelle familiale et populaire de la période de Noël (TA Nantes, 14 nov. 2014, n° 1211647 : JurisData n° 2014-033663).

Il est regrettable que les juridictions administratives françaises n’adoptent pas une position unanime quant à l’installation de crèches, dans les lieux publics, au moment de Noël. En effet, une telle hétérogénéité des décisions ne fait que renforcer la confusion des pouvoirs locaux quant à l’application des textes en vigueur.

 

Point de droit

Le service public

Il se définit comme l'ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en oeuvre par l'Etat ou une autre collectivité publique, en vue de l'exécution de ses tâches.

En d'autres termes, il s'agit de toute activité destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l'Administration.