PROCÉDURE PÉNALE

Par Céline WRAZEN

Docteur en droit

 

Loi du 6 décembre 2013 n° 2013-1117 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

Loi organique du 6 décembre 2013 n° 2013-1115 relative au Procureur de la République financier

Circulaire du 31 janvier 2014

 

Les Journées internationales de la Société de législation comparée (SLC) ont été l’occasion pour le Procureur de la République financier de dresser un premier bilan de son activité depuis son installation le 3 mars 2014.

 

Le Procureur de la République financier, qui dirige le Parquet financier à compétence nationale, doit son existence à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et à la loi organique du même jour. Entrés en vigueur le 1er février 2014 (codifiés aux articles 704 et suivants du Code de procédure pénale), ces textes ont été complétés par une circulaire du 31 janvier 2014.

Le Parquet financier est compétent en matière de lutte contre la corruption et la fraude fiscale de grande complexité, aux niveaux national, européen et international, sachant que ce type d’affaires nécessite une grande spécialisation des magistrats et une centralisation des moyens et des compétences.

  

Un peu d’histoire…

Pourquoi le terme Parquet ?

Si le terme Ministère public apparaît en France dès le XIIIème siècle, le terme Parquet, apparaît à la fin du XVII ème, pour se généraliser au XVIIIème.

De l’ancien français, il signifie petit parc ou enclos, séparant les magistrats du siège des magistrats debout,

« Les gens du roi, gentes notras comme disait Philippe Le Bel, appartenaient à la compagnie des magistrats de leur juridiction. » Ils sont subordonnés au Gouvernement, devant défendre ses intérêts.

Par sa création, le Parquet national financier a ainsi occasionné la suppression des juridictions régionales spécialisées, les « Pôles économiques et financiers », compétentes pour la délinquance économique et financière de grande complexité (certaines pouvant toutefois demeurer). Subsistent en revanche, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) dont la compétence est élargie à l’ensemble de la délinquance économique et financière de grande complexité.

L’actuel Procureur de la République financier près le Tribunal de grande instance de Paris, est Éliane Houlette, installée dans ses fonctions le 3 mars 2014.

Elle est assistée de substituts et placée sous l'autorité du Procureur général près la Cour d'appel de Paris. Elle est nommée par décret du Président de la République, sur proposition du Garde des sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Le Procureur de la République financier s’est vu reconnaître une compétence d'attribution concurrente avec les TGI ou les JIRS (comme en matière de terrorisme) pour un certain nombre d’infractions.

Parmi lesquelles :

  • les atteintes à la probité que sont la corruption, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, le pantouflage, le favoritisme, le détournement de fonds publics et les délits d'obtention illicite de suffrage en matière électorale, lorsque les procédures apparaissent d'une grande complexité ;
  • les infractions de corruption d'agent public étranger ;
  • les délits de fraude fiscale complexe et de fraude fiscale commise en bande organisée ;
  • le blanchiment de l'ensemble des infractions susvisées ainsi que l'ensemble des infractions connexes.

Selon Mme Houlette, lors de son installation solennelle le 3 mars 2014, « il faut regarder la vérité en face, la corruption comme la fraude fiscale portent atteinte au pacte démocratique et à la collectivité toute entière. »[1]

Au commencement, ce Parquet national était composé de cinq magistrats et d'un élève greffier. Il est composé à ce jour de douze magistrats, de sept fonctionnaires et d’un greffier en chef. Il est prévu, à terme la création «d’une cinquantaine de postes de magistrats (notamment 22 magistrats du parquet et 10 juges d'instruction) et d’assistants spécialisés. »[2] En termes de procédure, les dossiers sont traités en totalité par deux magistrats et un greffier (et ce même jusqu’à l’audience), du fait de la complexité des affaires analysées.

A l’occasion des Journées internationales organisées par la Société de Législation Comparée – SLC (à propos de la SLC, lire le mot de la Présidente, Mme Le Professeur Bénédicte FAUVARQUE COSSON, p. 24 et suivantes du présent numéro), elle a évoqué, en guise de Propos introductifs d'un atelier consacré aux Procédures répressives contre la délinquance économique et financière un Premier bilan de la création du Procureur national financier en France. Elle a précisé que le Parquet financier répond à un triple objectif : savoir, poursuivre et punir. Qu’en est-il exactement du nombre de procédures devant lui ?

 
Procédures en cours
Au 8 avril 2015         
239
Entraide internationale
Une cinquantaine
Enquête préliminaire
96
Information judiciaire
67
Domaines concernés

Délits boursiers (compétence exclusive)

Fraude fiscale (compétence concurrente)

Total des procédures*
474

*Instruites, en cours ou classées sans suite.

Pour en savoir plus sur le statut des magistrats, et notamment sur celui du Procureur de la République financier, vous pouvez consulter l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en cliquant ici.

Il existe en effet différentes catégories de magistrats. Quelle place occupe le Procureur de la République financier ? C’est ce que le tableau ci-dessous tente de retracer, dans les grandes lignes. Nous laisserons de côté les nombreuses subtilités qui existent.

Les catégories de magistrats
Points communs / Différences

 

Magistrats du siège (assis tout au long de la procédure)
Magistrats du Parquet, debout lors des réquisitions (membres du Ministère public)
Procureur de la République
Procureur de la République financier
Recrutement

Concours externe ou interne, sur titre, intégration directe

Formation à l'Ecole nationale de la Magistrature

Nomination par le Pouvoir exécutif (Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, après avis simple (parquet) ou conforme (siège) du CSM*)

Missions
Dire le droit en rendant des décisions de justice

Requérir l'application de la loi

Conduire l'action publique au nom des intérêts de la société

Requérir l'application de la loi

Conduire l'action publique au nom des intérêts de la société

Compétence particulière : lutter contre la corruption et la fraude fiscale

Statut

Indépendants 

Inamovibles

Principe hiérarchique (placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du Garde des Sceaux, ministre de la justice)
Situation
A tous les stades de juridictions A tous les stades de juridictions**
Compétence
Celle de la juridiction Celle de la juridiction Nationale à Paris
Responsabilité

Civile (faute personnelle de l'agent dans l'exercice de ses fonctions : action récursoire de l'Etat)

Pénale (droit commun)

Disciplinaire (jugement du CSM*)

Civile (faute de l'agent dans l'exercice de ses fonctions : action récursoire de l'Etat)

Pénale (droit commun)

Disciplinaire (avis du CSM* suivi ou non par le Ministère de la Justice)

Interdictions
Incompatibilité des fonctions - Obligations déontologiques - Recueil consultable ici

* Conseil supérieur de la Magistrature.

** NB : Au niveau de la Cour d’appel, le Parquet est général, composé d’un Procureur général, assisté d’Avocats généraux qui, contrairement à leur dénomination, sont bien des magistrats !

 

Pour aller plus loin…

Sous la direction de Denis ALLAND et Stéphane RIALS, Dictionnaire de culture juridique, puf, Lamy, 2003, termes Juge, Magistrat (citation Bulle Un peu d’histoire, p. 981).

Sous la direction de Loïc CADIET, Dictionnaire de la Justice, puf, 2004, terme Ministère public (Perspectives internationales).

 

CW

 

 

 

Les Journées internationales de la Société de législation comparée (SLC)

Paris, Cour de cassation 8 et 9 avril 2015

Par Bénédicte FAUVARQUE-COSSON

Présidente de la Société de législation comparée

                                                                                     Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Paris 2

 

Les Journées internationales de la SLC ont eu lieu les 8 et 9 avril 2015, à la Cour de cassation. Elles ont rassemblé des juristes de toutes professions et de tous horizons autour d’une réflexion sur le passé, le présent, et l’avenir du droit comparé. L’ambition de ces Journées était de faire fructifier l’héritage des maîtres qui, au XIXème et XXème siècles, voyaient dans le droit comparé un instrument grâce auquel « le législateur distinguera la route à suivre », avec comme intermédiaires la jurisprudence et la doctrine « qui, recevant l’empreinte étrangère la transmettent […] au législateur dont elles préparent et facilitent l’intervention » (L. Josserand au Congrès de 1900).

En 1900, le Congrès de Paris avait marqué à la fois la naissance et une première apogée du droit comparé dans un contexte de confrontation des systèmes juridiques. La discipline a ensuite été quelque peu délaissée. Elle renaît aujourd’hui, dans un monde global où les droits nationaux s’interpénètrent et où se superposent des systèmes juridiques supranationaux. Quelle est l’utilité, dans ce contexte, de la comparaison des droits ? Selon quelles modalités et sous quelles formes, conserve-t-elle sa pertinence ? Jusqu’où est-elle légitime pour guider les évolutions de nos systèmes juridiques ? Quelle est la place, dans le monde, de la culture juridique française ?

La première journée, ouverte par Monsieur Bertrand Louvel, Premier président de la Cour de cassation, a été consacrée à des réflexions d’ensemble sur les dynamiques du droit comparé : son histoire, à travers, notamment, celle de la SLC et de ses présidents, les défis qu’il doit affronter aujourd’hui son rôle dans la circulation des modèles juridiques.

La deuxième journée a débuté par des ateliers organisés autour de thèmes spécifiques, au cœur des grandes problématiques du droit contemporain, en présence de nombreux intervenants étrangers et français, spécialistes des questions : l’entreprise et la protection des données personnelles, les biens communs, l’insolvabilité, les procédures répressives contre la grande délinquance économique et financière, les nouvelles formes de gouvernance et de sociétés (en partenariat avec les Mines ParisTech, chaire Théorie de l’entreprise Modèles de gouvernance & création collective). L’après-midi, après une séance plénière sur la circulation des modèles et la mondialisation, ouverte par Monsieur Jean-Claude Marin, Procureur général près la Cour de cassation, la séance générale de clôture s’est déroulée sous la présidence du vice-Président de la Cour de justice de l’Union européenne, Monsieur Koen Lenaerts, lequel a dit tout son attachement à la culture juridique française et l’importance du droit comparé pour la Cour.

Ces Journées ont aussi été l’occasion de montrer à un public large, le dynamisme de la Société de législation comparée, fondée en 1869 et dont l’action a pris de nouvelles dimensions, en ce début de XXIème siècle. La publication des travaux (séances plénières et ateliers) est en cours.

 

À propos de la Société de Législation Comparée (SLC)

La Société est un lieu de réflexion et de recherche, un centre d’échange et de partage autour du droit comparé. Elle organise des conférences, des journées bilatérales en France et à l’étranger, des réunions scientifiques. Elle favorise la constitution de groupes de travail au sein des sections, thématiques et géographiques. Elle assure la publication d’une revue (Revue internationale de droit comparé) et de nombreux ouvrages. La force de la Société réside dans la dynamique qu’elle tire de ses nombreux membres français et étrangers, de leur qualité, du caractère varié des horizons qu’ils reflètent (…).

En s’appuyant sur le passé, la Société de législation comparée regarde vers l’avenir. Ses travaux s’ouvrent sur un monde global et sur l’étude, dans une perspective pluridisciplinaire et pluriculturelle, de ces forces qui vivifient le droit et forgent progressivement un droit commun, un jus unum, issu du dialogue des systèmes juridiques.

  • Ceux, curieux, passionnés, universitaires, juristes d’entreprise, magistrats, avocats, notaires... qui voient dans le droit comparé une lumière à même de consolider leurs réflexions ou les solutions pratiques qu’ils envisagent aux questions qu’ils se posent, trouveront dans la Société de Législation Comparée un point d’appui solide pour contribuer à l’avancée de leurs travaux.
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Le Conseil d’État organise, en association avec l’IFSA (Institut français de sciences administratives) et la SLC (Société de Législation Comparée), un cycle de conférences sur le thème « Droit comparé et territorialité du droit ». La conférence inaugurale a eu lieu le 20 mai 2015 de 17h30 à 20h, au Conseil d’État. Elle avait pour thème : Droit comparé, territorialité du droit : défis et enjeux.

BF

 


[1] Eliane HOULETTE, lors de son installation solennelle le 3 mars 2014 comme Procureur de la République financier près le Tribunal de grande instance de Paris, mardi 3 mars 2014, en présence de la Garde des Sceaux et de nombreuses personnalités du monde judiciaire et juridique.

[2] Communiqué de Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, 7 mai 2013, visible en cliquant ici.