DROIT CIVIL – DROIT DES BIENS

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire

 

Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

 

Le législateur, avec la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, a consacré, dans notre Code civil, un statut pour l’animal.

 

  

Article L. 214-1 du Code rural et de la pêche maritime issu de l'article 9 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976

« Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce . »

Après plusieurs mois de débats, l'Assemblée nationale vient d'adopter l'amendement Glavany, lequel considère, à l'article 515-14 du Code civil, les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité ».

Cette évolution était réclamée depuis de nombreuses années par les associations de protection des animaux. La Fondation 30 Millions d’Amis avait d’ailleurs lancé, il y a deux ans, une pétition soutenue par 24 intellectuels de renom et qui avait recueilli près de 800.000 signatures.

Depuis 1804, il n'existait pas à proprement parler de droit de l'animal. Les textes le concernant étaient nombreux certes mais disséminés dans différentes matières. Aussi, le Code pénal, le Code rural et de la pêche maritime, le Code civil mais également le Code de la santé publique, ou bien encore le Code général des collectivités territoriales prévoyaient des dispositions sur l’animal.

  

Article L. 521-1 du Code pénal modifié par l’ordonnance n° 2006-1224 du 5 octobre 2006

« Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. (…)

Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement. »

Article L. 521-2 du Code pénal créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994

« Le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat est puni des peines prévues à l'article 521-1. »

  

I - Quid du droit antérieurement à la loi du 16 février 2015 ?

Jusqu’à la loi du 16 février 2015, le droit français n’a pas omis de traiter de la protection de l’animal, mais l’a fait surtout au sein du Code rural et de la pêche maritime où il semblait avoir sa place naturelle. Ainsi, l’animal domestique ne doit pas souffrir inutilement et ne doit pas être mis à mort sans nécessité. Un chapitre est par ailleurs consacré à sa protection au sein de ce code et notamment à l’article L. 214-1.

Le droit pénal consacre également dans un chapitre unique une protection pour l’animal. Ainsi, les articles 521-1 et 521-2 sanctionnent les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux.

  

II - Quid des dispositions du Code civil antérieures à la loi du 16 février 2015 ?

Jusqu’à la loi du 16 février 2015, l’animal faisait également l’objet de dispositions dans le Code civil et notamment en droit des biens. Cependant, il y figurait de manière indirecte, dans les dispositions traitant de la distinction des meubles et des immeubles.

Force est de constater que l'animal était jusque-là considéré civilement comme une « chose » et ne possédait donc pas de personnalité juridique. Ainsi, l’ancien article 528 disposait que :

Ancien article 528 du Code civil

« Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère. »

 

  

 

Ancien article 524 du Code civil

« Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds :

Les animaux attachés à la culture ;

Les ustensiles aratoires ;

Les semences données aux fermiers ou métayers ;

Les pigeons des colombiers ;

Les lapins des garennes ;

Les ruches à miel ;

Les poissons des eaux non visées à l'article 402 du code rural et des plans d'eau visés aux articles 432 et 433 du même code ;

Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ;

Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines ;

Les pailles et engrais.

Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. »

 De même, l’ancien article 524 du même code classait, dans la catégorie des immeubles par destination, les animaux que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de son fonds, ceux attachés à la culture, les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, les ruches à miel ainsi que les poissons des étangs.

 

Comme seul le Code civil accordait aux animaux le statut de bien meuble alors que le Code pénal, le Code rural ou encore le droit européen leur donnaient déjà le statut d'êtres sensibles, il était donc nécessaire, que les textes juridiques soient harmonisés.

 

 

Point de droit

De la distinction des biens

Le droit distingue les personnes des biens. Selon l’article 516 du Code civil, « tous les biens sont meubles ou immeubles. »

 

III - Les apports de la loi du 16 février 2015 au Code civil 

La loi du 16 février 2015 consacre désormais, dans le Code civil, une disposition à part entière concernant l’animal, en son nouvel article 515-14 :

Nouvel article 515-14 (créé par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 - art. 2)

« Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. »

Cette nouvelle disposition implique la modification des articles 528 et 524 du Code civil.

Nouvel article 528 (modifié par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 - art. 2)

« Sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre. »

 

  

Nouvel article 524 (modifié par la loi n°2015-177 du 16 février 2015 - art. 2)

« Les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination.

Les animaux que le propriétaire d'un fonds y a placés aux mêmes fins sont soumis au régime des immeubles par destination.

Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds :

Les ustensiles aratoires ;

Les semences données aux fermiers ou métayers ;

Les ruches à miel ;

Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ;

Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines ;

Les pailles et engrais.

Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. »

 On peut se demander si certaines catégories telles que les insectes, les coquillages et mollusques, les vers, les coraux, ou encore les méduses sont doués de sensibilité. En effet, il n’est pas certain que l’ensemble des animaux bénéficient de cette capacité. Ils n’en sont pas moins considérés comme tels par le nouvel article 515-14 du Code civil. De toute évidence, les promoteurs du texte de loi ont surtout entendu protéger le cas des animaux domestiques .

S’il est encore trop tôt pour créer un droit autonome de l'animal, le droit civil français semble désormais intégrer la dimension affective de la relation entre l'homme et son animal tout en protégeant celui-ci par la responsabilisation des propriétaires et de la collectivité. Les associations de protection des animaux semblent considérer cette avancée comme significative.

Pour la Fondation 30 millions d’amis, ce changement de statut devrait permettre de punir plus sévèrement la cruauté et la maltraitance envers les animaux.

Il permettra peut-être aussi de changer la vision des juges, ainsi que les mentalités…

MFB