DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

Par Hervé CROZE

Professeur des Universités, Avocat honoraire au Barreau de Lyon 

 

Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends

  

Il est toujours plus utile de lire les textes que leurs commentaires, d’autant que les décrets sont aujourd’hui le plus souvent précédés d’une notice descriptive. On y apprend ici que ce texte a pour objet la « simplification des modalités d’envoi des avis et convocations par le greffe, et (l’) incitation à recourir à des modes de résolution amiable des différends ».

 

1 - Le premier point est important en pratique mais peu intéressant en théorie : en principe on se contentera désormais d’un recommandé là où naguère ce dernier devait être doublé d’une lettre simple (il n’y a pas de petites économies).

Par ailleurs les greffes pourront, assez généralement, communiquer avec les parties « par tout moyen », notamment électronique, y compris les SMS ; il faudra cependant que les destinataires y consentent.

Citons seulement sur ce point le nouvel article 748-8 du Code de procédure civile qui figure désormais dans le Titre XXI du Livre I intitulé « La communication par voie électronique » :

Article 748-8 du Code de procédure civile

« Par dérogation aux dispositions du présent titre, lorsqu’il est prévu qu’un avis est adressé par le greffe à une partie par tous moyens, il peut lui être envoyé au moyen d’un courrier électronique ou d’un message écrit, transmis, selon le cas, à l’adresse électronique ou au numéro de téléphone qu’elle a préalablement déclaré à cette fin à la juridiction.

Cette déclaration préalable mentionne le consentement de cette partie à l’utilisation de la voie électronique ou du message écrit transmis au numéro de téléphone, pour les avis du greffe transmis dans l’instance en cours, à charge pour elle de signaler toute modification de son adresse électronique ou de son numéro de téléphone. Ce consentement peut être révoqué à tout moment. »

C’est une avancée remarquable car la communication électronique procédurale ne concerne pas ici seulement les professionnels du droit, mais les particuliers et les entreprises qui y consentent.

On notera aussi qu’il est ajouté à l’article 748-2 du Code de procédure civile un alinéa aux termes duquel :

Article 748-2 du Code de procédure civile

« Vaut consentement au sens de l’alinéa précédent l’adhésion par un auxiliaire de justice, assistant ou représentant une partie, à un réseau de communication électronique tel que défini par un arrêté pris en application de l’article 748-6. »

Autrement dit un avocat qui adhère au Réseau Privé Virtuel Avocats (RPVA), ce qui est pratiquement obligatoire puisque la procédure contentieuse avec représentation obligatoire en appel (qui est la plus courante) ne peut plus être conduite que sous forme électronique, donne nécessairement par là son consentement à l’utilisation de la communication électronique. Cela va sans dire mais mieux en le disant car il y avait discussion sur ce point en pratique.

 

 

 2) Le décret tente aussi de favoriser le développement des Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD) . À cette fin, il modifie le texte qui fixe les mentions applicables à toute assignation (il existe un texte comparable pour les requêtes en matière contentieuse quand ces dernières sont possibles).

Voici le nouveau texte de l’article 56 du Code de procédure civile avec, en caractères gras les éléments nouveaux :

 

Article 56 du Code de procédure civile

« L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire :

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.

Elle comprend en outre l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Elle vaut conclusions. »

 

C’est un nouveau formalisme sans grand intérêt mais qu’il faudra respecter tout de même. Cette mention n’est pas prévue à peine de nullité. Aux termes du nouvel article 127 du Code de procédure civile :

Article 127 du Code de procédure civile

« S’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation. »

 

Ces nouveautés sont un signe de plus du goût des rédacteurs de textes législatifs ou contemporains de parler pour ne rien dire…

HC

  

Rappel : Le caractère obligatoire de la communication électronique devant la Cour d’appel

Même si, en fait, la communication électronique procédurale se généralise, elle n’est légalement obligatoire que dans la procédure contentieuse avec représentation obligatoire devant la cour d’appel. C’est ce que prévoit l’article 930-1 du Code de procédure civile qui est un texte essentiel.

Article 930-1 – « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. 

Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique. »

Si vous voulez comprendre comment ça marche en pratique, consultez la page suivante : http://www.ebarreau.fr/Guide_ebarreau_CA.htm