Droit du travail

Par Stéphanie ARIAGNO-TAMBUTÉ

Doctorante, Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

Cass. soc., 9 juillet 2015, N° de pourvoi : 14-13497, Publié au Bulletin

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 9 juillet dernier, un arrêt rappelant les règles de détermination de la loi applicable à un contrat de travail. Cette affaire met en jeu à la fois du droit du travail mais également du droit international à travers la Convention de Rome I de 1980.
  

Dans cette affaire, une salariée est engagée à temps partiel en 2002 par une fondation espagnole. Ce contrat était régi par la loi espagnole. En 2006, la salariée conclut un second contrat de travail avec une autre entreprise afin d’occuper d’autres fonctions. Le second contrat est régi par la loi belge. En décembre 2009, la salariée est licenciée par la fondation car elle ne peut maintenir son poste de travail à Paris. La salariée porte le contentieux de la rupture du contrat de travail devant la juridiction prud’homale française en faisant état d’une application de la loi française à sa situation contractuelle alors même que le contrat de travail faisait lui référence à la loi espagnole.

La Cour d’appel ne fera pas droit à sa demande en écartant l’application de la loi française. Afin de justifier sa position, la Cour d’appel expose que la salariée ne démontre pas que l’application de la loi espagnole la priverait de l’accès à un juge et que, de facto , la loi française pourrait être applicable à sa situation. La Cour de cassation cassera la décision de Cour d’appel.

La question essentielle posée par cette affaire est la suivante : le salarié dispose-t-il d’une certaine dose de liberté dans le choix de la loi applicable à son contrat de travail et le cas échéant, comment ce choix est-il organisé juridiquement ?

La Cour de cassation critique le raisonnement de la Cour d’appel car celle-ci constate que le lieu d’exécution habituel du travail était en France, mais elle n’a pas recherché, comme il lui était demandé, si les dispositions des lois belge et espagnole choisies par les parties et relatives aux différents chefs de demandes de la salariée, étaient plus protectrices que les dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicable à défaut de ces choix. De facto, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande de la salariée sans commettre une faute.

La solution apportée par la Cour de cassation se base sur la Convention de Rome I applicable aux obligations contractuelles et plus particulièrement son article 3 en vertu duquel le contrat est régi par la loi choisie par les parties, que celles-ci peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat et, selon l’article 6 de ladite Convention, le choix de la loi applicable par les parties à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du même texte. Selon ce paragraphe, le contrat est régi, à défaut de choix des parties : a) par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.

Ainsi, la Cour de cassation entend rappeler que le contrat est régi par la loi choisie par les parties et que celles-ci peuvent désigner une loi applicable à tout ou partie seulement du contrat, y compris du contrat de travail. La contrainte à laquelle les parties doivent se soumettre lors de ce choix est qu’il ne peut pas avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix. Cette règle de compétence simple s’accorde bien aux situations contractuelles internationales souvent complexes. En l’occurrence, l’exécution du contrat de travail ayant lieu en France, par défaut, c’est le juge français qui est compétent sans qu’aucune autre démonstration ne soit nécessaire.

SAT