ordonnance2015-1127

Droit des sociétés

Par Aurélien ROCHER

Consultant fiscal diplômé du CAPA, PwC

 

Ord. n° 2015-1127, 10 septembre 2015, Journal Officiel 11 Septembre 2015

 

L'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées est venu modifier un aspect du droit français des sociétés anonymes (SA), resté pourtant immuable depuis la loi du 24 juillet 1867, en modifiant l’article L. 225-1 du Code de commerce de telle manière que la SA puisse désormais être « constituée entre deux associés ou plus ». 

 

On rappellera ici utilement que, jusqu’à cette réforme, les SA ne pouvaient être constituées que par sept actionnaires au minimum, solution qui avait été retenue par l'article 23 de la loi précitée du 24 juillet 1867 et reprise depuis lors par l’article 73 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et le Code de commerce (C. com., Art. L. 225-1). Dans le cadre du droit des sociétés d’exercice libéral (SEL), une solution différente prévalait toutefois pour les sociétés d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) dès lors que l’article 3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales retient un seuil de trois associés au minimum. Cette solution perdure malgré la réforme.

Il est aussi à noter que le nombre minimal de sept actionnaires demeure pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (Ord., n° 2015-1127, 10 sept. 2015, préc., art. 1er, 3°).

En définitive, le droit français des sociétés anonymes ne fait ici l’objet que d’un ajustement mineur à portée principalement symbolique.

Toutes les autres règles du droit des SA ne sont pas touchées et, comme on a pu le voir, des seuils différents continuent d’exister, pour les sociétés cotées, pour les SELAFA et également pour les sociétés européennes (C. com., art. L. 229-6), lesquelles peuvent être unipersonnelles si leur unique actionnaire est également une société européenne (cette solution est applicable même lorsque la société est cotée).

Cette nouvelle règle avait déjà été annoncée par l’article 23 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, relative à la simplification de la vie des entreprises qui disposait que : « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de diminuer le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées ».

Le caractère utile de cette mesure a été diversement apprécié, les uns critiquant une solution dénuée de sens pour une forme sociale d’une complexité et d’une lourdeur telle que sa constitution par seulement deux fondateurs est jugée des plus théoriques (Ph. Merle, SVP, surtout pas de SA à deux actionnaires !, BJS 2014, p. 480), les autres saluant une mise en conformité avec les droits voisins qui ont abandonné cette exigence de sept actionnaires au minimum (B. Dondero, L'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, JCP E 2015, act., 712).

 

Point de droit

SARL, SAS, SA

SARL : composée de un à cent associés, pas de capital social minimum.

SAS : composée d’au moins un associé, pas de capital social minimum.

SA : composée d’au moins deux associés (sept pour les sociétés cotées), capital social minimum de 37 000 €.

 

Cette modification devrait permettre une possible recrudescence du choix de la SA dans le cadre de restructuration consistant en la constitution d’une filiale, dès lors que la SA serait valablement constituée si détenue à 99.99 % par la société holding et, pour le résiduel, par un dirigeant ou autre homme clé de l’entreprise. Il faut dire que l’obligation de trouver six autres actionnaires « symboliques » rendait auparavant le choix de la SA douteux, au profit de la SAS souvent retenue. Pour autant, il semble peu probable que cette seule réforme favorise le choix des SA plutôt que des SAS. Il s’agissait pourtant bien là de l’objectif non dissimulé de cette modification, puisque le rapport remis au Président de la République à cette occasion précise que « cette ordonnance a pour finalité de renforcer l'attractivité des sociétés anonymes, qui, en raison de la stabilité et de la prévisibilité de ses règles de fonctionnement, assure une meilleure protection des associés, et plus particulièrement des minoritaires, que la SAS. »

Ledit rapport explique également que cette nouvelle règle a pour objectif de « renforcer la compétitivité de la France au niveau européen dans la mesure où elle est le seul pays d'Europe à avoir établi et maintenu la règle des sept actionnaires » (Rapp. au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées).

Les porteurs d’un projet entrepreneurial, sauf à parler d’une activité et de financements de grande ampleur, devraient donc toujours avoir à choisir entre la SARL, forme sociale bien connue de la jurisprudence et des praticiens et réglementée avec précision par le Code de commerce, et la SAS, caractérisée par son importante liberté statutaire et sa très faible règlementation par le Code de commerce.

Enfin, l’observateur attentif ne manquera pas de noter que le législateur n’a pas envisagé, au contraire de la SARL et de la SAS, un nombre minimal d’actionnaire limité à un… Il faut dire que la société anonyme unipersonnelle ne manquerait pas de surprendre !