Droit fiscal

Par Aurélien ROCHER,

Consultant fiscaliste – Doctorant – CAPA – DJCE, Chargé d’enseignements, Université Jean Moulin Lyon 3

 

Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

 

Le présent article se propose de revenir sur certaines des nouveautés majeures contenues dans la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Seront ainsi présentées successivement les dispositions fiscales intéressant les particuliers puis celles concernant les entreprises. En tant que de besoin, quelques petits « points de droit » rappelleront les principales caractéristiques de certains régimes juridiques.

 

S’agissant de la fiscalité des particuliers

Comme aimait à le rappeler Benjamin Franklin, « en ce monde rien n'est certain, à part la mort et les impôts ». Les personnes physiques, résidentes fiscales en France, ne sont donc pas sans savoir que la période mai-juin de l’année civile sera l’occasion pour elles de revenir sur leurs revenus et leurs dépenses de l’année écoulée précédente, certaines des dernières pouvant, le cas échéant, être admises en défalcation des premiers.

Au mois de décembre, le contribuable français scrute donc, avec impatience ou inquiétude, les orientations prises par le législateur fiscal et attend toujours avec prudence, de connaître celles qui auraient subi la censure du Conseil constitutionnel.

S’agissant du calcul de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les contribuables les plus modestes bénéficient d’une baisse de leur impôt dû déjà engagée l’an dernier, au travers de l’application d’une décote élargie (art. 2 de la Loi de finances). Dans la continuité d’une volonté politique de lutte contre le réchauffement climatique, l’une des « niches fiscales » (autrement dit les avantages fiscaux) les plus emblématiques, qui devait s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2015, se voit prorogée jusqu’au 31 décembre 2016. Il s’agit du crédit d’impôt sur le revenu applicable aux dépenses en faveur de la transition énergétique réalisées dans l’habitation principale (CGI, art. 200 quater) qui offre de pouvoir déduire de leurs revenus les dépenses admises correspondantes.

S’agissant ensuite de la déclaration et du paiement de l’impôt sur le revenu, les contribuables disposent actuellement de la faculté de télédéclarer leurs revenus (CGI, art. 1649 quater B ter). Cette faculté va progressivement devenir une obligation qui, en 2019, sera généralisée à toutes les personnes disposant d’un accès à Internet dans leur résidence principale (art. 76, II-1° et 4° et III, A de la Loi de finances). De la même manière, les contribuables vont bientôt avoir l’obligation de payer leurs impôts par prélèvement ou télérèglement, celle-ci s’étendant progressivement jusqu’à 2019 où le seuil de télépaiement obligatoire sera de 300 € au lieu de 30 000 € en 2015. Dans les deux hypothèses, des amendes viendront sanctionner les contribuables ne s’astreignant pas au respect de ces nouvelles obligations.

Il est à noter également que le gouvernement doit présenter, d’ici à octobre 2016, un projet de réforme significatif car relatif au passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à l’horizon 2018 au plus tard.

 

S’agissant de la fiscalité des entreprises

Deux nouveautés méritent d’être soulignées car elles s’inscrivent dans la continuité d’un des plus importants mouvements de réforme de la fiscalité internationale depuis le XXème siècle, le projet BEPS, mené sous l’égide de l’OCDE.

La première de ces mesures est relative au « country-by-country reporting » qui consiste en une déclaration que les multinationales doivent produire, pays par pays, pour y faire état de toute une série d’informations très précises et détaillées sur les différentes entités du groupe et la localisation des bénéfices. Ces déclarations feront ensuite l’objet d’échanges automatiques entre les administrations fiscales qui n’auront plus à suivre la procédure d’assistance administrative prévue par les différentes conventions fiscales pour obtenir de tels renseignements. Les autorités fiscales seront alors en mesure d’évaluer plus facilement la cohérence des déclarations de revenus et la substance des montages fiscaux, en croisant les données disponibles. Nous rappelons que cette nouvelle disposition (nouvel article 223 quinquies C du Code général des impôts) s’inscrit dans le cadre des prix de transfert, qui permet aux administrations fiscales étatiques de vérifier que la répartition des bénéfices entre les différentes composantes du groupe corresponde bien à celle qui serait en place entre des entreprises indépendantes.

La seconde mesure est relative à la TVA, avec l’abaissement du seuil du régime des ventes à distance, auparavant fixé à 100 000 € et désormais établi à 35 000 € comme autorisé par la Directive TVA de 2006. En conséquence, un vendeur non établi en France réalisant à partir d’un autre Etat membre de l’Union européenne des livraisons de bien à destination de personnes non assujetties à la TVA en France (des particuliers) pour un montant total de chiffre d’affaires hors taxe supérieur à 35 000 € (l’année civile précédente ou s’il dépasse ce seuil en cours d’année), contre 100 000 € auparavant, devra appliquer la TVA française sur ces opérations et non la TVA de l’Etat membre de départ des biens. Cette mesure peut être rapprochée du projet BEPS qui avait été initié dans l’optique d’adapter les grands principes de la fiscalité internationale, datant de l’Ere industrielle, à l’économie du XXIème siècle, qui est devenue une économie du numérique. L’objectif est donc notamment, dans le cadre d’une économie où des bénéfices importants peuvent être enregistrés dans un pays sans qu’une entreprise n’y dispose de moyens matériels ou humains, de pouvoir imposer les activités selon le principe de destination, là où elles sont effectivement réalisées et consommées.

  

Point de droit

Le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) ou, en version française, projet de lutte contre l’érosion de la base taxable et des transferts de bénéfices, est un projet mené sous l’égide de l’OCDE et sur mandat du G 20, suite aux scandales provoqués dans les différentes opinions publiques au vu des pratiques fiscales, légales mais agressives, des multinationales du numérique. Près de deux ans de travaux et d’échanges entre les différentes parties prenantes (équipes de l’OCDE, membres des administrations fiscales, représentants des entreprises, cabinets de conseil, universitaires) ont suivi pour aboutir à un ensemble de mesures concrètes, réparties entre 15 actions ciblées dont l’action numéro 13, qui vise la documentation des prix de transfert.

Les ventes à distance correspondent, sur le plan de la TVA, à des échanges réalisés au sein de l’Union européenne, portant sur des biens autres que des moyens de transport neufs ou des produits soumis à accises (taxes indirectes sur la vente ou l’utilisation de certains produits : tabac, alcool, énergie…), et qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

- La livraison porte sur des biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à destination de l’acquéreur ;

- La livraison est faite de France vers un autre Etat membre, ou inversement d’un autre Etat membre vers la France ;

- L’acquéreur est une personne physique non assujettie ou une PBRD (personne bénéficiant d’un régime dérogatoire).

AR