Droit civil – Droit de la famille - Mineurs – Majeurs protégés - Divorce

Par Marina FOUR-BROMET,

Notaire diplômée, Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

Ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille

 

La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, au plus tard le 17 octobre 2015, des dispositions relatives au droit de la famille. Le 14 octobre dernier, Madame Christiane TAUBIRA, ancienne Ministre de la justice et Garde des sceaux, a présenté, en Conseil des ministres, une ordonnance portant simplification et modernisation du droit de la famille. Cette ordonnance a été promulguée le 15 octobre 2015 et a été publiée au Journal officiel de la République française le 16 octobre 2015, soit un jour avant la date butoir. Ladite ordonnance répond à un double objectif : celui de moderniser et de simplifier le droit et les procédures dans trois domaines relevant du droit de la famille :
  • l’administration des biens des enfants mineurs,
  • la protection des majeurs protégés,
  • le divorce.
L’ensemble de ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2016.

 

I - Le cantonnement de l’intervention du juge s’agissant de l’administration des biens des mineurs

L’ordonnance du 15 octobre 2015 est venue simplifier les règles applicables à l’administration légale des biens du mineur.

Elle met un terme à l’administration légale pure et simple et l’administration sous contrôle judiciaire du mineur, tels qu’ils étaient prévus au sein des articles 389 et suivants du Code civil.

Rappelons que l’administration pure et simple correspond au régime auquel sont soumis les biens du mineur lorsque ses deux parents ont l’autorité parentale.

 

ANCIEN ARTICLE 389-1

Abrogé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 4

En vigueur jusqu’au 1er janvier 2016

« L'administration légale est pure et simple quand les deux parents exercent en commun l'autorité parentale. »

 

Jusqu’à présent, le Code civil prévoit que, lorsque l'un des deux parents du mineur est décédé ou privé de l'exercice de l'autorité parentale ou encore dans l’hypothèse d'exercice unilatéral de l'autorité parentale, c’est le régime d’administration sous contrôle du juge des tutelles qui s’applique pour la gestion des biens du mineur.

 

ANCIEN ARTICLE 389-2

Abrogé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 4

En vigueur jusqu’au 1er janvier 2016

« L'administration légale est placée sous le contrôle du juge des tutelles lorsque l'un ou l'autre des deux parents est décédé ou se trouve privé de l'exercice de l'autorité parentale ; elle l'est également, en cas d'exercice unilatéral de l'autorité parentale. »

  

Jusqu’à cette ordonnance, les familles monoparentales se retrouvaient donc systématiquement placées sous le contrôle du juge notamment avec les dispositions de l’article 389-5 du Code civil.

 

ANCIEN ARTICLE 389-5

Abrogé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 4

En vigueur jusqu’au 1er janvier 2016

« Dans l'administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille.

A défaut d'accord entre les parents, l'acte doit être autorisé par le juge des tutelles.

Même d'un commun accord, les parents ne peuvent ni vendre de gré à gré, ni apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur, ni contracter d'emprunt en son nom, ni renoncer pour lui à un droit, sans l'autorisation du juge des tutelles. La même autorisation est requise pour le partage amiable, et l'état liquidatif doit être approuvé par le juge des tutelles.

Si l'acte cause un préjudice au mineur, les parents en sont responsables solidairement. » 

 

Concrètement, cette ordonnance conduit à une restructuration complète des règles relatives à l'administration légale des biens du mineur, qui se traduit par un nouvel emplacement dans le code civil avec l’abrogation des anciens articles et la création de nouveaux articles 383 à 388. A compter du 1er janvier 2016, le code civil verra le Chapitre II « De l’autorité parentale relativement aux biens de l’enfant » totalement refondu. Il sera alors composé de trois sections : Section 1 : « De la minorité » et Section 2 « De la jouissance légale » et Section 3 « De l’intervention des juges des tutelles ».

Désormais, avec l’ordonnance du 15 octobre 2015, il n’est plus fait de différence entre les familles avec deux parents et celles qui n’en comptent qu’un. Elle substitue à l’administration légale pure et simple et à l’administration sous contrôle judiciaire, un régime unique d’administration légale exercée en commun par les deux parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale ou par un seul des parents dans les cas d’exercice exclusif de l’autorité parentale. Quel que soit le mode d’organisation de la famille, une bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux sera présumée. En effet, l’ordonnance supprime le contrôle systématique du juge.


Le nouvel article 383 du Code civil prévoit l’hypothèse d’opposition des intérêts du mineur avec ceux de l’administrateur légal, dans laquelle le juge pourra alors désigner un administrateur ad hoc.

Selon l’article 384 du code civil, le mineur pourra toujours recevoir par donation ou par legs des biens sous la condition expresse que ceux-ci ne soient pas soumis à l’administration légale et ainsi qu’ils soient administrés par un tiers.

 

ARTICLE 384

Modifié par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

En vigueur au 1er janvier 2016

« Ne sont pas soumis à l'administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu'ils soient administrés par un tiers.

Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d'un administrateur légal.

Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer. » 

 

L’article 385 du code civil vient rappeler les devoirs qui incombent à l’administrateur légal tandis que l’article 386 du même code prévoit les cas de mise en œuvre de sa responsabilité.

 

ARTICLE 385

Modifié par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

En vigueur au 1er janvier 2016

« L'administrateur légal est tenu d'apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur. » 

 

ARTICLE 386

Modifié par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

En vigueur au 1er janvier 2016

« L'administrateur légal est responsable de tout dommage résultant d'une faute quelconque qu'il commet dans la gestion des biens du mineur.

Si l'administration légale est exercée en commun, les deux parents sont responsables solidairement.

L'Etat est responsable des dommages susceptibles d'être occasionnés par le juge des tutelles et le greffier en chef du tribunal de grande instance dans l'exercice de leurs fonctions en matière d'administration légale, dans les conditions prévues à l'article 412.

L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé ou de son émancipation. » 

 

Afin de protéger les intérêts du mineur, le législateur a tout de même prévu des garde- fous. En effet, le juge des tutelles sera fondé à intervenir chaque fois que les administrateurs légaux sont en désaccord sur une décision à prendre sur les biens de leurs enfants.

 

ARTICLE 387

Modifié par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

En vigueur au 1er janvier 2016

« En cas de désaccord entre les administrateurs légaux, le juge des tutelles est saisi aux fins d'autorisation de l'acte. » 

 

Le juge continuera à intervenir dans les situations à risque qui sont expressément visées au nouvel article 387-1 du Code civil, à savoir :

  • La vente de gré à gré d’un immeuble ou d’un fonds de commerce appartenant au mineur ;
  • L’apport en société d’un immeuble ou d’un fonds de commerce appartenant au mineur ;
  • La conclusion d’un emprunt au nom du mineur ;
  • La renonciation pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ;
  • L’acceptation pure et simple d’une succession revenant au mineur ;
  • L’achat des biens du mineur, la location (pour la conclusion de l’acte, l’administrateur légal est réputé être en opposition d’intérêts avec le mineur) ;
  • La constitution d’une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d’un tiers ;
  • La réalisation d’un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers, si celui-ci engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l’avenir par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives du mineur.
  • 
L’ordonnance va plus loin pour protéger les intérêts du mineur et prévoit des hypothèses dans lesquelles même avec une autorisation judiciaire, l’administrateur légal ne pourra effectuer certains actes du fait de leur gravité et des conséquences qu’ils pourraient entraîner sur la composition du patrimoine du mineur.

 

NOUVEL ARTICLE 387-2

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

En vigueur au 1er janvier 2016

« L'administrateur légal ne peut, même avec une autorisation :

1° Aliéner gratuitement les biens ou les droits du mineur ;

2° Acquérir d'un tiers un droit ou une créance contre le mineur ;

3° Exercer le commerce ou une profession libérale au nom du mineur ;

4° Transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits du mineur. » 

 

L’ordonnance laisse également au juge des tutelles la possibilité, compte tenu de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, de décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable dans le but de sauvegarder les intérêts de l’enfant mineur.

 

NOUVEL ARTICLE 387-3

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

En vigueur au 1er janvier 2016

« A l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable.

Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci.

Les tiers qui ont informé le juge de la situation ne sont pas garants de la gestion des biens du mineur faite par l'administrateur légal. » 

 

Cette réforme a le mérite de rétablir l’égalité entre les parents du mineur, qu’ils exercent en commun l’autorité parentale ou bien de manière unilatérale. Espérons qu’au-delà d’alléger la tâche du juge des tutelles, la mise en place de ce contrôle judiciaire ponctuel permettra tout de même une préservation maximale des intérêts du mineur.

 

II - La création du mandat judiciaire familial pour les majeurs protégés

Le chapitre III de l’ordonnance du 15 octobre 2015 vient réformer le droit de la protection juridique des majeurs.

Elle instaure un mécanisme de mandat judiciaire familial dénommé « habilitation familiale » qui sera inséré dans le code civil aux articles 494-1 et suivants. Ce dispositif repose sur la représentation d’une personne hors d’état de manifester sa volonté par ses proches. Il vise à permettre aux familles, qui sont en mesure de pourvoir seules aux intérêts du majeur vulnérable, d’assurer sa protection, sans avoir à se soumettre à l’ensemble du formalisme des mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Cette nouveauté va donc permettre de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l'un de ses membres.

 

NOUVEL ARTICLE 494-1

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« Lorsqu'une personne est hors d'état de manifester sa volonté pour l'une des causes prévues à l'article 425, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses proches au sens du 2° du I de l'article 1er de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom dans les conditions et selon les modalités prévues à la présente section et à celles du titre XIII du livre III qui ne lui sont pas contraires, afin d'assurer la sauvegarde de ses intérêts.

La personne habilitée doit remplir les conditions pour exercer les charges tutélaires. Elle exerce sa mission à titre gratuit. » 

 

L’objectif poursuivi est de renforcer le principe de subsidiarité qui réside actuellement à l’article 440 du code civil. Selon ce principe, les juges ne peuvent prononcer une mesure judiciaire de protection juridique que lorsque des dispositifs moins contraignants ne peuvent être mis en œuvre. Ils ont donc obligation d’examiner si les règles du droit commun de la représentation, notamment par le jeu de procurations, ou si les règles des régimes matrimoniaux applicables entre conjoints ne suffisent pas à résoudre les difficultés rencontrées par le majeur vulnérable. Concrètement, la protection judiciaire ne doit intervenir que si aucune autre solution juridique n'a pu être mise en œuvre.

 

ARTICLE 440

Modifié par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 - art. 7 JORF 7 mars 2007 en vigueur le 1er janvier 2009

En vigueur jusqu'au 1er janvier 2016

« La personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.

La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.

La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.

La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante. » 

 

Le mécanisme de l’habilitation familiale est donc subsidiaire par rapport aux mécanismes de représentation de droit commun ou aux stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé prévues aux articles 494-2 et suivants du code civil. Il est inspiré du régime de la représentation prévu dans le cadre des régimes matrimoniaux, lorsque l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté. Ce nouveau dispositif bénéficiera, dans un premier temps, aux descendants, ascendants, frères et sœurs, partenaires d’un pacte civil de solidarité ou concubins qui souhaiteraient être désignés pour représenter leur proche en état de vulnérabilité.

 

NOUVEL ARTICLE 494-2

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« L'habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l'intéressé.

Le législateur a, dans sa réforme, délimité le contenu de l’habilitation familiale et plus précisément les actes qui peuvent être effectués seul par la personne habilitée et ceux qui ne le peuvent pas, ou encore ceux qui nécessitent l’autorisation du juge des tutelles. Elle prévoit également la possibilité de donner une habilitation générale. » 

 

NOUVEL ARTICLE 494-6

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« L'habilitation peut porter sur :

-un ou plusieurs des actes que le tuteur a le pouvoir d'accomplir, seul ou avec une autorisation, sur les biens de l'intéressé ;

-un ou plusieurs actes relatifs à la personne à protéger. Dans ce cas, l'habilitation s'exerce dans le respect des dispositions des articles 457-1 à 459-2 du code civil. 
La personne habilitée ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisation du juge des tutelles.

Si l'intérêt de la personne à protéger l'implique, le juge peut délivrer une habilitation générale portant sur l'ensemble des actes ou l'une des deux catégories d'actes mentionnés aux deuxième et troisième alinéas.

La personne habilitée dans le cadre d'une habilitation générale ne peut accomplir un acte pour lequel elle serait en opposition d'intérêts avec la personne protégée. Toutefois, à titre exceptionnel et lorsque l'intérêt de celle-ci l'impose, le juge peut autoriser la personne habilitée à accomplir cet acte.

En cas d'habilitation générale, le juge fixe une durée au dispositif sans que celle-ci puisse excéder dix ans. Statuant sur requête de l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ou du procureur de la République saisi à la demande de l'une d'elles, il peut renouveler l'habilitation lorsque les conditions prévues aux articles 431 et 494-5 sont remplies. Le renouvellement peut être prononcé pour la même durée ; toutefois, lorsque l'altération des facultés personnelles de la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin mentionné à l'article 431, renouveler le dispositif pour une durée plus longue qu'il détermine, n'excédant pas vingt ans.

Les jugements accordant, modifiant ou renouvelant une habilitation générale font l'objet d'une mention en marge de l'acte de naissance selon les conditions prévues à l'article 444. Il en est de même lorsqu'il est mis fin à l'habilitation pour l'une des causes prévues à l'article 494-12. » 

 

NOUVEL ARTICLE 494-7

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« La personne habilitée peut, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation aux actes mentionnés au premier alinéa de l'article 427. » 

 

NOUVEL ARTICLE 494-8

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« La personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée conserve l'exercice de ses droits autres que ceux dont l'exercice a été confié à la personne habilitée en application de la présente section.

Toutefois, elle ne peut, en cas d'habilitation générale, conclure un mandat de protection future pendant la durée de l'habilitation. » 

 

L’ordonnance du 15 octobre 2015 met aussi en place, au nouvel article 494-9 du code civil, des sanctions pour les actes qui seraient passés par la personne vulnérable en violation de l’habilitation donnée.

 

NOUVEL ARTICLE 494-9

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« Si la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée passe seule un acte dont l'accomplissement a été confié à la personne habilitée, celui-ci est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice.

Les obligations résultant des actes accomplis par une personne à l'égard de qui une mesure d'habilitation familiale a été prononcée moins de deux ans avant le jugement délivrant l'habilitation peuvent être réduits ou annulés dans les conditions prévues à l'article 464.

La personne habilitée peut, avec l'autorisation du juge des tutelles, engager seule l'action en nullité ou en réduction prévue aux alinéas ci-dessus.

Si la personne habilitée accomplit seule, en cette qualité, un acte n'entrant pas dans le champ de l'habilitation qui lui a été délivrée ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge, l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice.

Dans tous les cas, l'action en nullité ou en réduction est exercée dans le délai de cinq ans prévu à l'article 1304.

Pendant ce délai et tant que la mesure d'habilitation est en cours, l'acte contesté peut être confirmé avec l'autorisation du juge des tutelles. » 

 

Si le but poursuivi par cette ordonnance en matière de majeurs vulnérables est sans aucun doute de laisser plus de pouvoirs aux proches en dehors de toute mesure de protection judiciaire, le juge des tutelles conserve un rôle primordial en cas de difficulté d’exécution de l’habilitation. L’article 494-10 du code civil lui donne aussi le pouvoir de modifier l’habilitation préalablement donnée ou bien d’y mettre fin.

 

NOUVEL ARTICLE 494-10

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« Le juge statue à la demande de l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ou du procureur de la République sur les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en œuvre du dispositif.

Saisi à cette fin dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 494-3, le juge peut, à tout moment, modifier l'étendue de l'habilitation ou y mettre fin, après avoir entendu ou appelé la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 494-4 ainsi que la personne habilitée. » 

 

Enfin, l’article 494-11 du code civil énonce les causes de fin de cette habilitation familiale : le décès de la personne protégée, son placement sous une mesure de protection judiciaire, le jugement de mainlevée de cette habilitation passé en force de chose jugée, l’absence de renouvellement de l’habilitation à l’expiration du délai fixé et après l’accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation a été délivrée.

 

NOUVEL ARTICLE 494-11

Créé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 10

En vigueur au 1er janvier 2016

« Outre le décès de la personne à l'égard de qui l'habilitation familiale a été délivrée, celle-ci prend fin :

1° Par le placement de l'intéressé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle; 
2° En cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée prononcé par le juge à la demande de l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ou du procureur de la République, lorsqu'il s'avère que les conditions prévues à cet article ne sont plus réunies ou lorsque l'exécution de l'habilitation familiale est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée ;

3° De plein droit en l'absence de renouvellement à l'expiration du délai fixé ;

4° Après l'accomplissement des actes pour lesquels l'habilitation avait été délivrée. » 

 

L’ordonnance du 15 octobre 2015 nécessite quelques précisions concernant cette nouvelle habilitation familiale et notamment quant à ses modalités d’applications. Pour connaître ces éléments, il faudra attendre un décret en Conseil d’Etat comme le précise le nouvel article 494-12 du code civil.

 

III - L’allègement des délais en matière de divorce

L’ordonnance du 15 octobre 2015 intervient en matière de divorce. Elle clarifie mais aussi renforce les pouvoirs du juge aux affaires familiales s’agissant de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, au moment du prononcé du divorce prévu à l’article 267 du code civil.

 

ARTICLE 267

Modifié par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004

En vigueur jusqu'au 1er janvier 2016

« A défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge, en prononçant le divorce, ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Il statue sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle.

Il peut aussi accorder à l'un des époux ou aux deux une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis.

Si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255 contient des informations suffisantes, le juge, à la demande de l'un ou l'autre des époux, statue sur les désaccords persistant entre eux. » 

 

L’ordonnance abroge l’article 267-1, qui devient inutile et modifie l’article 267 du même code.

 

ARTICLE 267-1

Modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 - art. 14 (V)

Abrogé par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 2

En vigueur jusqu'au 1er janvier 2016

« Les opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux se déroulent suivant les règles fixées par le code de procédure civile. » 

 

ARTICLE 267

Modifié par l'ORDONNANCE n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 2

En vigueur au 1er janvier 2016

« A défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge statue sur leurs demandes de maintien dans l'indivision, d'attribution préférentielle et d'avance sur part de communauté ou de biens indivis.

Il statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s'il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties, notamment en produisant :

-une déclaration commune d'acceptation d'un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux ;

-le projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255.

Il peut, même d'office, statuer sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux. » 

 

Le législateur clarifie ici les pouvoirs donnés au juge aux affaires familiales, quant à la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, au moment du prononcé du divorce. Le but poursuivi est de favoriser le règlement des conséquences patrimoniales de la séparation le plus tôt possible dans la procédure de divorce contentieux.

Les cas actuels d’intervention ponctuelle du juge aux affaires familiales tels que les demandes de maintien dans l’indivision, les demandes d’attribution préférentielle, ou encore les demande d’avance sur part de communauté ou de biens indivis, restent maintenus.

Le juge statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s’il existe des désaccords subsistant entre les parties. Les époux doivent donc faire part de leur mésentente, notamment en produisant une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire, indiquant leurs points de désaccord ou un projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l’article 255.

Enfin, il est expressément donné pouvoir au juge aux affaires familiales, au sein de l’alinéa 3 du nouvel article 267 du code civil, de statuer, même d’office, sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux afin de permettre au juge de pouvoir mieux apprécier le bien-fondé d’une demande de prestation compensatoire, et aux divorcés de préparer un partage amiable, une fois la question de la détermination de leur régime tranchée par le juge du divorce.

La modification de l’article 267 du code devrait réduire les délais de procédure puisque les époux pourront solliciter le partage de leurs biens dès l’instance en divorce si une solution amiable ne peut être trouvée. Comme le souligne le rapport, le principe d’une séparation entre le prononcé du divorce et le partage des biens des ex-époux est ainsi consacré.

Il ne reste plus qu’à attendre de voir si cette réforme produira les effets escomptés et réduira considérablement les lenteurs procédurales des divorces contentieux !

 

Pour aller plus loin…

Sur l’habilitation du gouvernement à prendre des ordonnances : AJ fam. 2015. 122

Sur les mesures relatives aux majeurs protégés : T. VERHEYDE, AJ fam. 2015. 124

Sur les mesures relatives au divorce : AJ fam, Liquidation du régime matrimonial, février 2013

MFB