Droit du travail . Un seul mode de rupture négocié du contrat de travail : la rupture conventionnelle, par Stéphanie ARIAGNO-TAMBUTÉ, Doctorante, Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3.

::/introtext::
::fulltext::Un seul mode de rupture négocié du contrat de travail : la rupture conventionnelle ?DROIT DU TRAVAILPar Stéphanie ARIAGNO-TAMBUTÉDoctorante, Chargée d’enseignements, Université Jean Moulin Lyon 3 Cass. soc., 15 octobre 2014, Pourvoi n° 11-22251

Depuis l'entrée en vigueur de la rupture conventionnelle des contrats de travail, la mise en œuvre du régime juridique de ce type de rupture a posé quelques difficultés. Ce mode de rupture simplifiée des contrats de travail connaît un succès qui ne se dément pas mais comme tout objet juridique nouveau, il existe des lacunes dans le régime de ce concept et la Cour de cassation complète peu à peu ces vides juridiques au fur et à mesure des affaires qui sont portées à sa connaissance.

La Cour de cassation a récemment consacré le principe selon lequel, il n’y a qu’un seul mode de rupture négociée entre employeur et salarié. Le seul mode admis par la jurisprudence est la rupture conventionnelle. Facile d'utilisation, elle permet à l'employeur de rompre le contrat de travail de son salarié de façon plus souple et, en principe, évite les contentieux futurs. De son côté, le salarié dispose d'indemnités plus favorables et peu bénéficier de droits au chômage.

Cependant, le nombre élevé de ruptures conventionnelles conclues chaque année depuis la création du dispositif en 2008, pose la question d'un dévoiement de ce mode de rupture. La rupture ne serait plus négociée entre le salarié et l'employeur mais bien plus imposée par l'employeur comme technique de licenciement dissimulé.

Précédemment, la Cour de cassation avait admis que les contrats de travail à durée indéterminée soient rompus de façon négociée sur le fondement de l’article 1134 du Code civil. Cette rupture négociée se basait donc sur le droit commun des contrats et n’exigeait aucun formalisme particulier. Or, il était pertinent de se demander s’il était encore possible, de rompre un contrat de travail d’un commun accord sans respecter le formalisme de la rupture conventionnelle ?

Autrement dit, doit-on considérer que la rupture conventionnelle est l’unique mode de rupture d’un commun accord, ou au contraire, qu’elle ne constitue qu’un nouveau mode de rupture à l’amiable parmi d’autres ?

Par un arrêt du 15 octobre 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation va répondre à cette interrogation et poser un principe protecteur des droits du salarié. En l’espèce, l’employeur et la salariée ont, d’un commun accord, mis fin au contrat de travail. La salariée a par la suite saisi le juge afin de faire constater que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non comme une rupture conventionnelle.

Dans ce cas d’espèce, la convention n’avait pas été établie dans le respect des dispositions relatives à la rupture conventionnelle (en particulier les garanties relatives à la tenue d'entretiens, à l'assistance du salarié et au droit de rétractation du salarié).

Après avoir posé le principe de l’article L. 1231-1 du Code du travail, selon lequel le CDI « peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord dans les conditions prévues par le présent titre », la Cour de cassation rappelle, à l’instar des juges du fond, que cet article est inséré dans le Titre III du Code du travail. Or ce Titre, ne fait référence qu’à un seul mode de rupture amiable : la rupture conventionnelle.

La combinaison de ces articles conduit la Cour à conclure que « sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second article relatif à la rupture conventionnelle ». A défaut la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce qui est le cas en l’espèce.

La solution de la Cour de cassation était relativement prévisible au regard des objectifs de sécurisation des ruptures négociées voulus par la loi de 2008. La rupture conventionnelle est désormais le cadre légal commun à toutes les ruptures d’un commun accord sauf dispositions légales contraires (en pratique PSE et accords de GPEC).

A l’heure où la rupture conventionnelle sert parfois d’outil d’ajustement de la masse salariale, la Cour de cassation ne pouvait juger autrement cette affaire. Minimiser les droits et garanties accordés aux salariés n’est probablement pas le chemin à emprunter en période de contraction de l’économie.

SA-TVocabulaire

PSE : Plan de sauvegarde de l’emploi. Dans l’hypothèse d’une procédure de licenciement pour motif économique, l’employeur doit, selon les cas, établir et mettre en œuvre un PSE, afin de limiter le nombre de licenciements, voire de les éviter. Le PSE doit permettre de faciliter le reclassement des salariés ainsi licenciés.

GPEC : Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. Il s’agit d’une méthode destinée à anticiper les besoins en ressources humaines à court et moyen termes (adapter les emplois, les effectifs et les compétences aux exigences issues de la stratégie des entreprises et des modifications de leurs environnements économique, social, juridique). Cf. Article L. 2242-15 et ss du Code du travail ; Décret n° 2007-101 du 25 janvier 2007 .

Faculté de Droit