Droit pénal – Libertés fondamentales. Selon la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 1er juillet 2014, aff. n° 43835/11, S.A.S c/ France), l’interdiction du voile intégral dans l’espace public n’est pas contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, par Céline WRAZEN, Docteur en droit, Université Jean Moulin Lyon 3.

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L’interdiction du voile intégral dans l’espace public n’est pas contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme DROIT PÉNAL – LIBERTÉS FONDAMENTALES

Par Céline WRAZEN

Docteur en droit

CEDH, 1er juillet 2014, aff. n° 43835/11, S.A.S c/ France

Selon la Constitution, la France est une République laïque qui respecte toutes les croyances. « La laïcité républicaine est un élément déterminant du vivre-ensemble. Elle doit être ferme et fermement défendue, mais certainement pas instrumentalisée à des fins de stigmatisation ou de division. La vraie laïcité est celle qui permet à chacun de s'épanouir sans agresser les autres » (Eric ANCEAU, « Voile et laïcité à l'université : une clarification s'impose », Home Figaro Vox Société, 30/09/2014).

C’est sur ce constat que la France a décidé d’interdire le port du voile islamique intégral ou niqab (voile qui couvre le visage mais pas les yeux) ou burqa (voile qui couvre également les yeux au moyen de mailles ou d’un voile plus léger) dans l’espace public par une loi du 11 octobre 2010 (loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010, JO 12 octobre 2010), entrée en vigueur le 11 avril 2011. Il est donc interdit de dissimuler son visage dans l’espace public. Seul est admis le hijab, qui laisse le visage apparent.

I – Les faits, la procédure

En l'espèce, une ressortissante française, de confession musulmane, souhaitait porter la burqa et le niqab, en privé comme en public. Du fait de la loi française de 2010, elle a alors saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), le même jour que l’entrée en vigueur de la loi, d’une requête contre la France.

Elle se plaint que l’interdiction française de porter une tenue destinée à dissimuler le visage dans l’espace public la prive de la possibilité de revêtir le voile intégral dans public. Elle se fonde sur la violation des articles 3, 8, 9, 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, pris isolément et combinés avec l’article 14 de ladite Convention. Autrement dit, le texte français serait contraire à sa liberté de religion et au respect de sa vie privée.

II - La solution de la Cour

La CEDH a débouté la requérante et validé la loi française le 1er juillet 2014 au motif que « l’interdiction litigieuse peut être considérée comme justifiée dans son principe dans la seule mesure où elle vise à garantir les conditions du « vivre ensemble » en tant qu’élément de la « protection des droits et libertés d’autrui » ».

Ainsi, le port d’un voile cachant le visage pose un véritable problème dans la mesure où « le visage joue un rôle important dans l’interaction sociale ».

 

Choix de société, la loi française satisfait aux exigences de la Convention puisque l’interdiction contestée est proportionnée au but poursuivi : le « vivre ensemble ».

La Cour prend néanmoins en compte le besoin des femmes notamment musulmanes de porter des vêtements en accord avec leur religion dans l’espace public et en accord avec loi, en autorisant les vêtements qui ne dissimulent pas le visage.

 

La chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 mars 2013 avait déjà pu juger que « (...) si l’article 9 de la Convention (...) garantit l’exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’alinéa 2 de ce texte dispose que cette liberté peut faire l’objet de restrictions prévues par la loi et constituant, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; (...) tel est le cas de la loi interdisant la dissimulation intégrale du visage dans l’espace public en ce qu’elle vise à protéger l’ordre et la sécurité publics en imposant à toute personne circulant dans un espace public, de montrer son visage ; (...) ».

De même, la jurisprudence administrative avait aussi admis des restrictions concernant le port du voile intégral, en matière d’obtention de la nationalité française mais sur un autre fondement.

Si la personne qui souhaite acquérir la nationalité française doit justifier d’une connaissance suffisante de la langue française, eu égard à sa situation, le Gouvernement peut s’opposer à son acquisition pour indignité (prostitution, condamnations pénales…) mais aussi pour défaut d’assimilation autre que linguistique comme par exemple le port d’une burqa par une femme musulmane, port jugé incompatible avec l’égalité des sexes selon le Conseil d’Etat (CE, 27 juin 2008). Au contraire, le port d’un voile qui ne couvre pas le visage n’entraine pas un défaut d’assimilation (CE, 3 février 1999).

Porter le « foulard » est donc possible, la loi permettant ainsi aux personnes qui le souhaitent de pouvoir vivre leur religion au quotidien, y compris dans l’espace public.

Vocabulaire

 

  • Voile admis

Hijab : voile qui laisse le visage apparent.

 

  • Voiles interdits

Niqab : voile qui couvre le visage excepté les yeux.

Burqa : voile qui couvre le visage et les yeux au moyen de mailles ou d’un voile plus léger.

Faculté de Droit