Droit commercial . La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite Loi Pinel a pour objectif de soutenir une offre commerciale et artisanale diversifiée sur le territoire français en favorisant le développement des très petites entreprises. Présentation synthétique des grandes innovations, par Marina FOUR BROMET, diplômée Notaire.

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La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises  DROIT COMMERCIAL

Par Marina FOUR BROMET, diplômée Notaire

 

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite Loi Pinel a pour objectif de soutenir une offre commerciale et artisanale diversifiée sur le territoire français en favorisant le développement des très petites entreprises.

Il n’est pas ici question de faire un listing détaillé des différentes dispositions mises en place par cette loi mais plutôt de présenter de manière synthétique les grandes innovations.

La loi dite « Pinel » répond à cinq objectifs principaux :

  • Rénover le régime des baux commerciaux ;
  • Favoriser la diversité des commerces dans les territoires les plus fragiles en modernisant l’urbanisme commercial ;
  • Clarifier le statut des artisans ;
  • Harmoniser les régimes de l’entreprise individuelle et notamment celui de la micro-entreprise ;
  • Faciliter l’accès à l’EIRL.

I - Dispositions applicables aux baux commerciaux

La loi Pinel a apporté de nombreuses modifications en matière de baux commerciaux.

Concernant les baux de courte durée

Jusque-là, les baux de courte durée ou baux dérogatoires devaient normalement être conclus pour une durée de deux ans maximum.

Depuis la loi du 18 juin 2014, la durée maximale des baux conclus à compter du 1er septembre 2014 est de trois ans.

A cette modification s’ajoute l’interdiction, à l’expiration de cette durée, de conclure un nouveau bail dérogeant au statut.

Concernant l’état des lieux, les charges locatives et les impôts

Pour protéger le preneur, la loi Pinel impose désormais aux parties de dresser un état des lieux contradictoire dès la conclusion du bail, la cession du droit au bail, lors de la cession ou la mutation à titre gratuit du fonds de commerce mais aussi à la restitution des locaux.

Cet état des lieux, qui sera joint au bail, sera établi à l’amiable ou bien par huissier. Les parties se partageront alors les frais.

Précisons que pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel, l’état des lieux de sortie ne sera exigible que si un état des lieux a été établi lors de la prise de possession.

La loi Pinel met à charge du bailleur différentes obligations envers le locataire. En voici des exemples.

· L’établissement d’un inventaire précis et limitatif des différentes catégories de charges, impôts, taxes et redevances et leur répartition ;

· La communication annuelle au locataire d’un récapitulatif de cet inventaire ;

· La communication, lors de la conclusion du bail, puis tous les trois ans, d’un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années qui suivent, le budget prévisionnel pour les réaliser ainsi qu’un état récapitulatif des travaux réalisés lors des trois dernières années précédentes.

Pour les ensembles immobiliers comportant plusieurs locataires, chaque contrat de bail devra préciser la répartition des charges et du coût des travaux, ladite répartition étant fonction de la surface exploitée.

Concernant le droit de préemption au profit du preneur à bail commercial

La loi Pinel crée un droit de préemption au profit du locataire en cas de vente par le bailleur du local exploité à compter du 19 décembre 2014 (art. L. 145-46-1 du Code de commerce).

Ce droit de préemption a un champ d’application assez large puisqu’il vise toutes les ventes à l’exception de :

· la cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial,

· la cession unique de locaux commerciaux distincts,

· la cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial,

· la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux,

· la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

Concernant la clause de garantie

Il n’est pas rare qu’un bail commercial prévoit une clause de garantie du cédant au profit du cessionnaire. Une telle clause a pour but de sécuriser le bailleur, qui aura, après la cession, deux débiteurs : l’ancien locataire (le cédant) et le nouveau (le cessionnaire). Le bailleur conserve ainsi ses prérogatives contre le cédant, qu’il a initialement choisi, alors que lors de la cession, ce n’est pas lui qui choisit le cessionnaire.

Le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du nouveau locataire dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée.

La loi PINEL vient limiter à trois ans à compter de la cession du bail, cette clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur (art. L. 145-16-2 du Code de commerce).

Concernant les cas de transfert du bail

La loi Pinel multiplie les cas de transfert du bail en cas de modification de la société.

Il en est ainsi en cas de fusion ou de scission de sociétés, en cas de transmission universelle de patrimoine d'une société, ou en cas d'apport d'une partie de l'actif d'une société (art. L. 145-16 al. 2 du Code de commerce).

Concernant la forme du congé

Auparavant, le bail commercial ne prenait fin que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance par le bailleur par acte extrajudiciaire (par acte d’huissier).

Désormais, le congé peut être délivré par lettre recommandée avec une demande d’avis de réception, au choix des parties.

En revanche, la demande de renouvellement émanant du locataire ou la réponse du bailleur à cette demande doit toujours être notifiée par acte d’huissier.

Concernant le congé triennal

La loi Pinel supprime le droit du preneur à renoncer à son droit de donner congé à l’expiration de chaque période triennale.

Seuls certains baux, ceux supérieurs à neuf ans, les baux construits en vue d’une seule utilisation, ceux portant sur des locaux à usage exclusif de bureaux ou de stockage peuvent autoriser le locataire à renoncer à ce droit de donner congé.

Concernant les conditions du renouvellement du bail

L’une des conditions ouvrant le droit du preneur au renouvellement commercial résidait dans la condition de nationalité française.

La loi Pinel a abrogé cet article s’alignant ainsi sur une décision prise par la Cour de cassation qui avait jugé que cette disposition constituait une discrimination prohibée par l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Si auparavant, les clauses, stipulations et arrangements ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement du preneur étaient frappées de nullité, la loi Pinel les considère aujourd’hui comme non écrites (art. L. 145-15 du Code de commerce). Il en est de même des conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise.

Concernant l’encadrement du loyer du bail renouvelé

Le principe du plafonnement du loyer renouvelé ou révisé, moyen de limiter la hausse du montant du loyer du bail à renouveler, est maintenu par la nouvelle loi.

Précisons que cette limitation de l’augmentation de loyer ne s’applique que si les parties n’y ont pas dérogé et n’ont pas prévu, conventionnellement, dans le bail, une fixation du loyer renouvelé applicable en totalité dès la prise d’effet du bail renouvelé.

Auparavant, la modification du loyer était en principe plafonnée en fonction de l’évolution de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou s’ils étaient applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. En l’absence de plafonnement du loyer renouvelé, le loyer était fixé à la valeur locative et l’augmentation de loyer s’appliquait en totalité dès la date d’effet du nouveau loyer.

La loi Pinel supprime toute référence à l’indice du coût de la construction.

En cas de modification notable des éléments de la valeur locative ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant sa promulgation, soit à compter du 1er septembre 2014.

II - Dispositions en faveur de la modernisation de l’urbanisme commercial

Remettant en cause une jurisprudence administrative constante, la loi 18 juin 2014 autorise désormais la constitution d’un fonds de commerce sur le domaine public.

Auparavant, les juridictions administratives excluaient la constitution d’un fonds de commerce sur le domaine public en raison du caractère précaire et révocable de l’occupation.

Elles refusaient que l’occupant du domaine public exerce la propriété commerciale sur le fonds de commerce.

Cette règle entraînait de lourdes conséquences notamment en cas de résiliation unilatérale de la convention d’occupation du domaine public puisque l’occupant ne pouvait se prévaloir de la perte d’un fonds de commerce.

Il ne pouvait alors prétendre qu’à la réparation de son préjudice consécutif à la résiliation du contrat.

A contrario , la Cour de cassation était, quant à elle, favorable à l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public, sous réserve que l’entreprise soit titulaire d’une clientèle réelle et personnelle.

Le nouvel article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques vient définitivement mettre un terme à ces divergences de jurisprudence et énonce qu’ « un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre ». L’article L. 2124-33 dispose désormais que « toute personne souhaitant se porter acquéreur d’un fonds de commerce ou d’un fonds agricole peut, par anticipation, demander à l’autorité compétente une autorisation d’occupation temporaire du domaine public pour l’exploitation de ce fonds. L’autorisation prend effet à compter de la réception par l’autorité compétente de la preuve de la réalisation de la cession du fonds ». Il faut toutefois préciser que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent pas au domaine public naturel.

Ces nouvelles dispositions devraient permettre le développement d’activités commerciales sur le domaine public et devraient surtout conduire les juridictions à indemniser les occupants en cas de perte de leur fonds de commerce.

III - Dispositions applicables au statut des artisans

La loi du 18 juin 2014 revalorise le secteur de l’artisanat en modernisant la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat mais surtout redéfinit la notion d’artisan et de qualification professionnelle.

Jusqu’à présent, le statut d’artisan connaissait une grande hétérogénéité de professionnels. Seules les activités réglementées relevant de l’article 16 de la loi de 1996 requéraient une qualification établie par des diplômes ou par une validation de l’expérience professionnelle.

En dehors de ces activités réglementées, on trouvait des activités soumises à une obligation d’inscription sur le registre des métiers, mais pas à une obligation de qualification. Le vocable d’artisan englobait tant l’artisan qualifié, l’artisan d’art ou le maître artisan, que les personnes qui pouvaient se prévaloir de cette qualité sans être nécessairement qualifiées.

Dorénavant, seules les personnes qui possèdent un certain niveau de qualification professionnelle peuvent se prévaloir de la qualité d’artisan. En effet, l’obligation d’inscription sur le registre des métiers concernant l’exercice des activités totalement libres ne permettra plus, à elle seule, de bénéficier automatiquement du statut d’artisan.

De plus, avant la loi Pinel, on pouvait déplorer que les chambres de métiers n’aient pas le droit de procéder à la vérification des pièces lorsqu’elles étaient sollicitées pour procéder à l’immatriculation de l’artisan. La loi nouvelle met fin à cette aberration puisque les chambres sont désormais autorisées à vérifier chacune des pièces et notamment celles relatives à la qualification lors de l’instruction du dossier.

IV - Dispositions applicables à l’auto-entrepreneur

Jusqu’à la loi Pinel, l'auto-entrepreneur était dispensé d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, sauf cas particuliers.

La loi Pinel supprime cette dispense d'immatriculation.

Désormais, l'auto-entrepreneur déjà en activité aura 12 mois à compter de l'entrée en vigueur de la mesure pour demander son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers (RM). Notons que cette mesure entrera en vigueur au plus tard le 18 décembre 2014.

S’agissant du régime social, l'auto-entrepreneur était, jusque-là, affilié au régime social des indépendants (RSI) dès son inscription.

La loi Pinel vient subordonner cette affiliation à la réalisation d'un chiffre d'affaires. Par conséquent, tout nouvel auto-entrepreneur qui ne réalisera pas immédiatement un chiffre d'affaires ne sera pas affilié au régime d'assurance maladie et n'aura pas droit au remboursement de ses frais médicaux, sauf s'il bénéficie d'une autre protection sociale.

Cependant, s’il souhaite bénéficier d'une meilleure protection sociale, il aura toujours la possibilité d'opter pour le paiement de cotisations sociales minimales (leur montant sera fixé par décret). Cette mesure entrera en vigueur, au plus tard, le 1er janvier 2016.

Concernant le régime fiscal, l'auto-entrepreneur bénéficie du régime micro-fiscal lorsqu’il réalise un chiffre d'affaires qui n'excède pas une certaine limite qui diffère selon la nature de l'activité exercée. Lorsqu’il dépasse le seuil autorisé, il cesse de bénéficier de ce régime et bascule alors dans un régime réel d'imposition (réel normal ou réel simplifié) à compter du 1er janvier de l'année de dépassement.

La loi du 18 juin 2014 modifie la date à laquelle l'auto-entrepreneur bascule dans un régime réel. En cas de dépassement du chiffre d'affaires autorisé, le changement de régime d'imposition n'interviendra plus rétroactivement ; il prendra effet au 1er janvier de l'année qui suit celle du franchissement de la limite. Ces dispositions s'appliqueront aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015.

V - Dispositions applicables à l’EIRL

La loi du 18 juin 2014 vise à simplifier les différents régimes de l'entreprise individuelle pour les rendre plus attractifs et notamment l'EIRL. Rappelons que ce statut consacre la possibilité pour l'entrepreneur, sans créer de société, de se constituer un patrimoine d'affectation , seul saisissable par les créanciers.

Jusqu'à présent, l'entrepreneur exerçant sous le régime de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée devait chaque année, dans un délai de trois mois après la clôture de l'exercice, déposer au registre (auquel le dépôt de la déclaration du patrimoine d'affectation a été effectué) ses comptes annuels (son bilan, son compte de résultat ainsi que l'annexe comptable, s'il avait opté pour le régime réel).

La loi Pinel allège cette obligation puisque les nouveaux articles L. 526-14 et L. 526-19 du Code de commerce prévoient qu’il ne sera plus tenu qu’à la présentation de son bilan.

En cas de changement de domiciliation, l'entrepreneur individuel était jusque-là soumis, une deuxième fois, aux vérifications légales imposées à l'article L. 526-8 du Code de commerce.

A savoir :

· un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;

· la mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ;

· les documents attestant de l'affectation d'un bien immobilier, d'autres biens communs ou indivis, ainsi que des éléments d'actifs de grande valeur.

Désormais, le changement de domiciliation de l'activité sera accompagné d'une procédure de transfert automatique de la déclaration d'affectation et des documents qui lui sont liés. Elle sera assurée par l'ancien organisme de rattachement de l'entrepreneur.

Cette procédure automatisée devra être mise en œuvre 12 mois à compter de la date de promulgation de la loi.

Pour en savoir plus…

V. A. REYGROBELLET, Loi nouvelle sur l’artisanat, le commerce et les TPE, JCP N 2014, n° 28, 1248.

Faculté de Droit