Finances publiques

Frédéric BOURSE

Contrôleur des Finances publiques, DGFIP Rhône

 

Certification des comptes de l’Etat, Exercice 2015

 

La Cour des comptes a certifié le 25 mai 2016, les comptes de l'État de l’exercice 2015 qui ont été arrêtés à la date du 17 mai 20161.

 

Les comptes de l’exercice 2015 retracent l’ensemble des enjeux financiers actés par les arbitrages politiques, les orientations des politiques publiques engagées ainsi que des événements internes ou internationaux ayant impacté la vie économique et financière de l’Etat du 1er janvier au 31 décembre 20152.

Les comptes 2015 de l’État ont bien été certifiés pour la dixième fois consécutive, attestant ainsi de leur régularité, sincérité et fidélité. Cinq réserves substantielles demeurent toutefois formulées par la Cour.

Elle constate en effet que si la dynamique d’amélioration de la fiabilité des comptes de l’Etat s’est poursuivie et que des progrès substantiels ont été réalisés, il persiste néanmoins des difficultés relevant le plus souvent du système d’information et de l’organisation des processus de gestion dont les progrès peuvent encore être optimisés.

Ce qui explique que si le contenu des cinq réserves, déjà formulées lors de la certification des comptes de 2014, a été allégé, celles-ci n’ont pas pu être intégralement levées :

  1. Le système d’information financière de l’État reste encore insuffisamment adapté à la tenue de sa comptabilité générale et aux vérifications d’audit (1 du II-B de la position de la Cour) ;
  2. Les dispositifs ministériels de contrôle interne et d’audit interne sont encore trop peu efficaces (2 du II-B de la position de la Cour) ;
  3. La comptabilisation des produits régaliens reste affectée par des incertitudes et des limitations significatives (3 du II-B de la position de la Cour) ;
  4. D’importantes incertitudes pèsent toujours sur le recensement et l’évaluation des immobilisations et des stocks gérés par le ministère de la défense (4 du II-B de la position de la Cour) ;
  5. L’évaluation des immobilisations financières de l’État continue d’être affectée par des incertitudes significatives (5 du II-B de la position de la Cour).

 

Instaurée par la LOLF3, cette procédure de certification, qui fête ses 10 ans, s’est vue appliquée pour la première fois en 2007 sur les comptes de l’exercice 2006 et la Cour de comptes avait alors prononcé 13 réserves. Ce nombre élevé de réserves témoignait avant tout des difficultés des administrations de l’Etat à appliquer les nouvelles règles et procédures compte tenu de l’ampleur de la réforme et des délais contraignants imposés. En 2013, pour la certification des comptes de 2012, le nombre de réserves avaient pratiquement diminué de moitié par rapport à 2007 avec 7 réserves.

A savoir que la Cour des comptes peut formuler une certification sans réserve, une certification avec réserve qu’elle peut aussi qualifier de substantielle eu égard à son importance et/répétition dans le temps, un refus de certifier ou une impossibilité de certifier. Elle formule ses réserves au regard de la conformité des comptes par rapport aux règles comptables (principe de régularité), de l’application de bonne foi de ces mêmes règles (principe de sincérité) et de l’image réelle retracée par ces mêmes comptes (principe de fidélité). Ces principes sont consacrés par la LOLF.

Cette même LOLF, en introduisant le passage à une comptabilité d’exercice et la certification des comptes de l’État par la Cour des comptes, a bouleversé les conditions de mise en œuvre de cette activité.

L’introduction de la comptabilité d’exercice a nécessité l’élaboration de nouvelles normes et schémas comptables. Les processus ayant un impact sur la qualité des comptes ont été sécurisés. Un dialogue constant s’est établi depuis 2007 entre l’administration en charge de l’élaboration des comptes avec la Cour afin de fiabiliser les méthodes, les procédures, les outils et maitriser les risques de manière efficiente.

 

La LOLF a aussi introduit la tenue de trois comptabilités, avec la comptabilité d’exercice ou générale :

  • La comptabilité générale qui reflète la situation du patrimoine de l'État en rattachant les charges et les produits à l'exercice qui les a vus naître, indépendamment de la date de paiement ou d'encaissement ;
  • Une comptabilité budgétaire qui retrace les dépenses de l'État au moment où elles sont payées et les recettes au moment où elles sont encaissées ;
  • Une comptabilité d'analyse des coûts qui permet de mesurer le coût de chaque politique publique.

 

Ainsi, tout en tenant compte des spécificités de l’action publique, la comptabilité de l’État se rapproche depuis 2006 des normes comptables utilisées par les entreprises. La LOLF a en effet introduit une logique comptable proche de celle des entreprises et permet de mieux connaître le patrimoine de l’État. Elle permet par ailleurs de disposer d’une vision pluriannuelle de ses charges et de ses produits, de ses engagements et obligations ainsi que de ses relations avec les autres administrations publiques. Ceci a permis de faire progresser la fiabilité et la transparence des comptes de l’État ainsi que la qualité de l’information financière auprès des parlementaires, des citoyens, des investisseurs et surtout des principaux acteurs que sont les gestionnaires de deniers publics.

La Cour conduit d’ailleurs ses vérifications des comptes de l’Etat en se référant aux normes internationales de l’audit (ISA) édictées par la Fédération internationale des experts comptables (IFAC) indiquant à nouveau l’influence de la comptabilité privée sur la comptabilité publique.

Cette certification des comptes de l’Etat réalisée par la Cour des comptes est ensuite annexée au projet de loi de règlement de l’exercice budgétaire précédent et accompagnée du compte-rendu des vérifications opérées. La Cour se prononce ainsi sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Elle le fait en application de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances, mission prévue par l’article 47-2 de la Constitution et les dispositionsde l’alinéa 5 de l’article 58 de la LOLF.

Il n’en demeure pas moins que dans ce cadre, la Cour agit comme un véritable commissaire au compte puisque c’est bien au Parlement qu’il est confié d’approuver définitivement les comptes certifiés.

Rappelons que la Cour exécute sa mission de certification en respectant trois principes fondamentaux qui gouvernent son organisation et son activité, dans l’exécution de ses contrôles et enquêtes et dans l’élaboration de ses rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.

 

Comme elle le rappelle souvent dans les introductions ou avant-propos de ces rapports, positions ou avis :

  • Indépendance institutionnelle de la Cour et statutaire de ses membres garantissant la liberté et l’impartialité des observations formulées ;
  • Contradiction appliquée aux constatations et appréciations ressortant d’un contrôle, d’une enquête ou de vérifications, de même qu’à toutes les observations et recommandations formulées ensuite, qui sont systématiquement soumises aux responsables des administrations concernées ;
  • Collégialité intervenant dans les principales étapes de contrôle de rédaction et de publication des travaux de certification.

D’autres rapports sont annexés au projet de loi de règlement comme le Compte Général de l’Etat (CGE) qui regroupe l’ensemble des états financiers prévus par la LOLF : bilan, compte de résultat, tableau des flux de trésorerie et annexe qui comprend notamment les engagements hors bilan de l’Etat. En résumé il présente l’ensemble des informations permettant de donner une image fidèle du patrimoine et de la situation financière de l’État et fait l’objet d’un examen par la Cour des comptes, dans le cadre de sa mission de certification des comptes de l’État.

Il est accompagné d’un Rapport de présentation constitué d’analyses financières, de commentaires des comptes de l’année et de leur évolution. Il relate les faits marquants, les chiffres clés et l’analyse combinée d’éléments du bilan, du compte de résultat et hors bilan qui facilitent la compréhension des états financiers. Un rapport sur le contrôle interne comptable de l’Etat vient préciser quant à lui les démarches de qualité comptable et de maitrise des risques qui ont été mis en œuvre dans l’élaboration du CGE.

Enfin un document retrace de manière assez exhaustive l’ensemble des balances d’entrée, débits, crédits et balances de sortie inscrits dans les comptes de l’État au 31 décembre 2015, c’est la balance générale des comptes de l’Etat.

La certification manifeste de l’atteinte d’un haut niveau de qualité comptable, auquel peu d’États sont encore parvenus. La France est en effet le seul pays de la zone euro et l’un des rares pays au monde à avoir ses comptes certifiés, par un « auditeur comptable indépendant » attestant de la régularité, la sincérité et la fidélité de ses comptes publics.

En cela, la France, suite à la publication du décret dit GBCP du 7 novembre 20124 qui consacre ces trois principes, est dans la droite ligne de la Directive 2011/85 du 8 novembre 2011 qui dispose que les Etats membres doivent mettre en place un système de comptabilité publique fiable en droit constatés soumis à un contrôle interne et un audit indépendant.

Ceci doit donc constituer un atout pour la France dans un contexte normatif européen voire international exigeant, imposant une fiabilité et une transparence en matière de risques financiers et comptables de manière de plus en plus affirmée depuis la crise financière de 2008 et les divers épisodes de la crise des dettes souveraines de 2010 à nos jours.

 

La loi de règlement et d'approbation des comptes

La loi de règlement et d'approbation des comptes représente l’une des trois formes de loi de finances, avec la Loi de Finances Initiale et les Lois de Finances Rectificatives.

Elle arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle.

Elle présente le résultat de l’exécution en comptabilités budgétaire et générale et comprend un volet « performance », qui permet au Parlement d'apprécier la qualité de la gestion des politiques publiques.

Elle constate donc les résultats de l’année et approuve les différences pouvant exister avec les résultats attendus par la loi de finances initiale.

Après avoir souvent constaté le désintérêt passé des parlementaires pour le vote de la loi de règlement, la LOLF entend revaloriser son rôle afin de permettre un chainage vertueux qui impose dans son article 41 que le projet de loi de règlement doit être déposé le 1er juin et que le projet de loi de finances de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote, en première lecture, du projet de loi de règlement de l’année précédente. 

 

Rappel : La LOLF et le triptyque budgétaire

Contrairement aux autres textes qui organisent les finances publiques, la LOLF résulte d’une initiative parlementaire, datant du 11 juillet 2000 et adoptée à la quasi-unanimité le 1er août 2001 sans que le gouvernement de l’époque ne dépose d’amendement. Sa mise en place effective intervenue au 1 er janvier 2006, est venu modifier les règles d’élaboration et d’exécution du budget de l’État en instaurant un nouveau cadre budgétaire et comptable.

Ainsi le budget n’est plus présenté par ministère, ni nature de dépenses (personnel, fonctionnement, intervention, investissement...) mais par politique publique appelée mission ministérielle ou interministérielle. La mission devient l’unité de vote des crédits. Au sein de chaque mission, des programmes délimitent les responsabilités de mise en œuvre des politiques décomposées en actions.

L’architecture en missions/programmes/actions permet d’identifier beaucoup plus rapidement qu’auparavant les grands postes de dépenses de l’État et rend ainsi le projet de loi de finances plus lisible. Les missions du budget de l’Etat sont au nombre de 30 comme en témoignait le Projet de loi de Finances 2016 (PLF 2016) contre 31 pour 2015.

Et à titre d’exemple les trois missions qui reçoivent le plus de crédits sont l'enseignement scolaire avec 21,7 % des crédits, la défense 14,3 %, la recherche et l'enseignement supérieur 11,6 %.

Le budget de l’État est par ailleurs orienté vers des résultats à atteindre : une stratégie, des objectifs, des indicateurs et des cibles de résultats sont définis au sein de chaque programme.

Le Parlement est ainsi en mesure d’apprécier la cohérence des choix budgétaires qui lui sont proposés et les objectifs prioritaires qui les accompagnent.

Enfin, la mise en œuvre de la LOLF a nécessité d’adapter les applications existantes. Un outil commun et intégré de gestion financière, budgétaire et comptable, Chorus, a été mis en place avec des fonctionnalités progressivement enrichies et en constant progrès.

F. B.

Faculté de Droit