Fonction publique - Licence 3

Valérie MARTEL

Ingénieure d’études en Technologie de la Formation

Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon

 

Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

 

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a été publiée au Journal officiel le 21 avril 2016.

 

1. Son champ d’application est large

Elle s’adresse, en premier lieu, aux agents des trois fonctions publiques que sont la fonction publique de l’Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. En effet, elle modifie la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dite Loi Le Pors, portant droits et obligations des fonctionnaires qui constitue le titre 1er des statuts généraux de droit commun de la fonction publique mais également la loi du 11 janvier 1984 sur la fonction publique de l’Etat (titre 2), la loi du 26 janvier 1984 sur la fonction publique territoriale (titre 3) et la loi du 9 janvier 1986 sur la fonction publique hospitalière (titre 4).

Les dispositions de cette loi ne concerne pas, en deuxième lieu, seulement les statuts généraux. En venant modifier le Code de justice administrative, le Code des juridictions financières et le Code de la défense, les magistrats et les militaires se voient appliquer certaines règles alors même qu’ils relèvent parfois de statuts spéciaux ou particuliers.

Cette loi n’a, en dernier lieu, pas fait de distinction selon la qualité des agents puisqu’elle a des répercussions non seulement sur les fonctionnaires mais également sur les agents contractuels dans la fonction publique.

 

2. Son contenu correspond à une actualisation du droit de la fonction publique

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires fait suite au souhait qu’avait prononcé le Président de la République lors du trentième anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 de voir consacrer des règles déontologiques s’appliquant aux agents publics. Elle se compose de 90 articles. Nous n’avons pas ici l’ambition de les traiter dans leur intégralité mais seulement d’en étudier quelques-uns permettant d’aborder certains grands points de cette loi à savoir « un devoir de reconnaissance des valeurs d’exemplarité portées par les agents publics », « la déontologie et la prévention des conflits d’intérêts », « la révision des modalités de cumuls dans la fonction publique », « le contrôle du respect des règles déontologiques », « la rénovation du cadre juridique de la mobilité », le renforcement « des garanties fonctionnelles et disciplinaires des agents publics » et « l’exemplarité des employeurs publics » (titres repris de l’Etude d’impact du 16 juillet 2013 sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires). Cette note permettra en outre de constater que le contenu de cette loi a plus vocation à adapter le droit de la fonction publique qu’à instaurer de véritables nouveautés.

 

I - La consécration législative de règles existantes

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires consacre des principes et notions que le juge administratif avait auparavant dégagé.

Ce constat se vérifie au regard de l’article 1er de la loi qui dispose notamment que :

« Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. ./. Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. ./. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. ./. Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité ».

Cet article fait état des principes de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité et de respect de la laïcité qui s’imposent au fonctionnaire et leur confère une valeur législative. Pour autant, ces principes ne sont pas nouveaux. Le juge administratif s’était déjà exprimé, par exemple, sur le principe de laïcité lorsque le Conseil d’Etat a rendu, dans le cadre de l’enseignement public, son avis du 3 mai 2000, Dlle Marteaux.

Ensuite, la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires consacre la notion de conflit d’intérêts en prévoyant, à son article 2, que « Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver ». Cette notion n’est également pas nouvelle ; le juge ayant par exemple eu à statuer sur la prise illégale d’intérêt (CE, 1996, Société Lambda). Il est toutefois remarquable que la protection qui existe pour les agents publics qui dénoncent un crime ou un délit est étendue aux conflits d’intérêts, ce qui constitue une avancée.

Enfin, l’affirmation de l’égalité homme-femme est sans doute un signe fort aux vues du fait que « la place des femmes dans la vie publique et économique demeure en retrait » (Rapport de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi n° 717, 2012-2013, par Virginie Kiès). Pour autant, depuis longtemps, le juge administratif montre son refus d’admettre une inégalité entre les hommes et les femmes bien qu’il accepte qu’une discrimination puisse avoir lieu compte tenu des nécessités du service. Tel a par exemple été le cas lorsque le Conseil d’Etat a statué dans le cadre d’un recours en matière d’accès aux emplois publics (CE, 3 juillet 1936, Dlle Bobart). Mais surtout, depuis la loi n o 75-599 du 10 juillet 1975, un seul décret pris après avis du Conseil d’Etat listait les corps pouvant être réservés aux personnes d’un sexe déterminé. Or, dans sa dernière version, ce décret ne contenait plus que sept corps ce qui minimise au moins quantitativement l’apport de la loi sur ce point.

 

II - L’adaptation des règles au fonctionnement moderne de la fonction publique

Les véritables nouveautés de la loi résultent davantage des règles ayant vocation à adapter ou à instaurer des règles visant à mettre en adéquation le droit avec les nécessités de fonctionnement de la fonction publique.

Par exemple, la loi a renforcé les règles sur le cumul d’activités. L’article de 7 de la loi dispose ainsi que :

« … Il est interdit au fonctionnaire : ./. « 1° De créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime prévu à l' article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale, s'il occupe un emploi à temps complet et qu'il exerce ses fonctions à temps plein …».

L’interdiction de ce cumul était déjà la règle mais cette dernière n’appréhendait pas la situation d’un cumul avec le statut d’auto-entrepreneur. Et pour cause, celui-ci n’existait pas ! Mais cette interdiction de cumul a été largement étendue.

En réponse à l’actualité qui a pointé du doigt les « parachutes dorés », le législateur a prévu, dans un souci d’améliorer la transparence de la vie publique, qu’ : 

« il est interdit à tout fonctionnaire qui, placé en position de détachement, de disponibilité ou hors cadre et bénéficiant d'un contrat de droit privé, exerce en tant que cadre dirigeant dans un organisme public ou un organisme privé bénéficiant de concours financiers publics et qui réintègre son corps ou cadre d'emplois d'origine, de percevoir des indemnités liées à la cessation de ses fonctions au sein de cet organisme, à l'exception de l'indemnité compensatrice de congés payé » (article 11 de la loi).

Le champ de la protection fonctionnelle des agents et de leur famille, c’est-à-dire la protection juridique de l’agent ou de sa famille par l’administration à laquelle appartient ledit agent, a été étendue. Elle bénéficie désormais tout d’abord aux agents poursuivis par un tiers en raison d’une faute de service c’est-à-dire « l’acte dommageable impersonnel, s’il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur » (commissaire du gouvernement Laferrière sur TC, 1877, Laumonnier-Carriol). Cette protection est également due si l’agent est poursuivi pénalement si la faute n’est pas détachable de ses fonctions (CE, 1973, Sadoudi). Enfin, l’administration doit désormais « protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée » (article 20 de la loi).

La situation des agents contractuels est améliorée que ce soit par le fait que leurs droits sont en principe alignés sur ceux des fonctionnaires ou qu’il est possible de les recruter en contrat à durée indéterminée pour les postes où il n’existe pas de corps de fonctionnaire. Cette règle pragmatique vise à anticiper les évolutions de la fonction publique.

Enfin, la mise en place d’un dispositif donnant une priorité d’affectation ou de détachement aux agents dont l’emploi a été supprimé dans la fonction publique d’Etat vise à assurer aux agents - qui se distinguent des usagers (CE Sect., 1961, Vannier) - un minimum de garantie face à l’exigence de mutabilité de leur service.

Ce faisant, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a adapté les règles applicables aux agents publics dans un souci de modernisation de la fonction publique et de maintien des règles du service public.

V. M.

Faculté de Droit