Droit fiscal – Licence 3

Aurélien Rocher

Doctorant, CAPA, DJCE, Chargé d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 
Arrêté 8 avril 2016 modifiant l'arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du Code général des impôts, Journal Officiel du 10 Avril 2016, texte n° 4

 

Le scandale des « Panama Papers » a été révélé en avril 2016 par le Consortium international des journalistes d'investigation. Cette fuite émanant d’un cabinet d’avocats fiscaliste basé au Panama a été exploitée par des dizaines de journalistes de plusieurs médias dans de nombreux pays pour mettre à jour les pratiques de fraude fiscale massive constatées sur plusieurs décennies. Le retentissement médiatique de cet évènement a été conséquent et a affecté la réputation de certaines personnalités de premier plan.

En droit français, cet évènement a entraîné deux conséquences quasi-immédiates, au travers, d’une part, d’une volonté d’introduire un réel statut pour les whistleblowers (Min. fin, communiqué n° 705, 4 avr. 2016), ces fameux donneurs d’alertes, afin de leur offrir une protection qui leur fait actuellement défaut et, d’autre part, au travers de la réintégration du Panama dans la liste des Etats ou territoires non coopératifs ( A. 8 avr. 2016 : Journal Officiel du 10 Avril 2016, texte n° 4).

Les « Panama Papers » doivent également être mis en lumière avec les autres dynamiques qui affectent actuellement la fiscalité mondiale. Référence doit ici être donnée au programme BEPS mené par l’OCDE ( Base Erosion and Profit Shifting - OCDE, Projet OCDE/G 20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, 2015) qui a, sur mandat du G 20, lancé un programme sans précédent dans l’histoire de la fiscalité internationale consistant à lutter contre l’optimisation fiscale pratiquée, en toute légalité, par les multinationales. Des milliers de pages de consultations, études et recommandations ont été rédigées en l’espace d’un peu plus d’un an et ont abouti à des propositions concrètes qui sont actuellement intégrées dans le droit positif de nombreux Etats. A cet égard, nous citerons le seul exemple du country-by-country reporting, lequel consiste en une déclaration, pays par pays, des bénéfices des entités du groupe ainsi que des informations sur leurs localisations et leurs activités (CGI, art. 223 quinquies C, créé par la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, art. 121).

Sur le plan de l’Union européenne, la coopération entre les autorités fiscales des différents Etats membres, toujours dans la continuité du programme BEPS, est amenée à être améliorée au travers du Paquet de lutte contre l’évasion fiscale ( Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Paquet de mesures contre l'évasion fiscale : prochaines étapes pour assurer une imposition effective et davantage de transparence fiscale dans l'Union européenne, COM/2016/023 final, 28 janvier 2016 ).

Sur le plan purement national, la lutte contre la fraude fiscale est illustrée par l’exemple de la « cellule de dégrisement fiscal », ou le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) pour reprendre le vocable technique, qui a recouvré 2.65 milliards d’euros en 2015. Nous rappelons que ce service avait été mis en place dans le cadre de la procédure offerte aux contribuables pour leur permettre de régulariser, dans des conditions privilégiées caractérisées par des pénalités minorées, leurs avoirs non déclarés à l'étranger.

Le contribuable français plaçant des revenus ou éléments de son patrimoine à l’étranger doit donc veiller, au-delà du caractère par ailleurs exotique et plaisant du pays de destination, si sa situation fiscale personnelle en France ne risque pas de ne plus être conforme aux règles françaises.

 

Points de droit

ETNC : Etat ou territoire non coopératif, visé par l’article article 238-0 A du CGI, correspondant à un Etat ou entité politique ne se conformant pas aux standards internationaux d'échange des informations fiscales prévus par l’OCDE. Cette liste comprend, au 1er janvier 2016, les pays suivants : Botswana, Brunei, Guatemala, Îles Marshall, Nauru, Niue et Panama. Cette qualification entraîne des conséquences importantes en matière de contrôle des prix de transfert, du taux de certaines retenues à la source, de certains prélèvements obligatoires… Pour illustration, en matière de retenue à la source sur les revenus non salariaux autres que les prestations sportives, le taux de retenue à la source passe de 33,33% à 75%. Il s’agit de la qualification fiscale la plus « grave » sur le plan des sanctions fiscales.

Pays à régime fiscal privilégié, visé par l'article 238 A du CGI et correspondant à un Etat ou le territoire dans lequel le contribuable français n'y est pas imposable ou y est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus inférieurs de plus de la moitié à ceux dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France s’il y avait été domicilié ou établi. Cette qualification entraîne une fiscalité plus importante mais nécessite, en cas de contestation par le contribuable, que l'administration apporte la preuve du régime fiscal privilégié hors de France.

Faculté de Droit