Droit civil – Droit des successions

Par Marina FOUR-BROMET

Diplômée Notaire, Chargée d’enseignements à l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

Cass., civ. 1ère, 10 février 2016, pourvois n° 14-27.057, 14-28.272

 

I - Les faits de l’espèce

Deux époux ont adhéré conjointement à un contrat d'assurance sur la vie le 4 octobre 2000. Ils ont désigné en qualité de bénéficiaires du capital en cas de décès du dernier survivant « par parts égales, nos enfants respectifs nés ou à naître, à défaut de l’un décédé avant ou après l’adhésion pour sa part ses descendants, à défaut les survivants, à défaut nos héritiers ».

Par la suite, en 2006, l’épouse a, dans un testament olographe (rédigé à la main et non notarié) institué, en cas de prédécès de son époux, comme légataires universels en usufruit, ses nièces et sa petite-nièce ainsi que son frère et comme légataires universels en nue-propriété, leurs enfants vivants ou à naître.

L'épouse décède en 2007, deux mois après son époux sans descendants en laissant pour lui succéder son frère. La compagnie d’assurance a alors versé le capital de l’assurance-vie à son frère.

 

II - La procédure

Les légataires intentent une action en justice pour contester le versement du capital par l'assureur au frère de la défunte.

L'arrêt de la Cour d’appel de Rennes en date du 16 septembre 2016 rejette leur contestation et considère que le frère de la défunte a seul la qualité d'héritier parmi les légataires à titre universel à recevoir le capital.

En effet, la Cour d’appel relève que postérieurement à la souscription d'un contrat d'assurance sur la vie survenue en 2000, la défunte avait, par testament olographe en 2006, institué comme légataires en usufruit les personnes précitées et comme légataires universels en nue-propriété, leurs enfants vivants ou à naître.

Elle retient donc pour justifier sa décision qu'en l'absence de bénéficiaire désigné, seul l'héritier peut bénéficier, hors part successorale, du versement du capital décès ou de la rente. Elle relève que quelle que soit l'expression utilisée par la testatrice, le legs de la nue-propriété ou de l'usufruit de tous les immeubles et les meubles d'une succession est à titre universel et non universel.

Les juges d’appel précisent également que le frère de la défunte en sa qualité de seul parent collatéral au second degré, a seul la qualité d'héritier en application des dispositions de l'article 734, 2° du Code civil, et en l'absence de légataires universels (sont redevables du passif de l’héritage dans son intégralité), il est le seul héritier de la succession au sens de la loi, les légataires à titre universel (sont redevables du passif à hauteur de la quote-part reçue en héritage) ne pouvant être considérés comme tels.

Les légataires forment alors un pourvoi en cassation.

 

III – Solution

Les juges de la Haute juridiction cassent et annulent l’arrêt rendu par la Cour d’appel. La Cour de cassation relève que les legs portant sur la nue-propriété et l'usufruit de l'ensemble des biens composant la succession et ceux portant sur la nue-propriété de ces biens constituaient des legs universels.

Elle reproche donc à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si la défunte avait eu la volonté, ou non, de faire bénéficier les légataires des capitaux garantis par le contrat d'assurance sur la vie, la Cour d'appel a violé les articles 1003 et 1010 du Code civil, ensemble l’article L. 132-8 du Code des assurances dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 16 décembre 2005.

Dans cet arrêt, la Haute juridiction s’adonne à la qualification des libéralités faites par le défunt et plus précisément à la qualification du legs en propriété démembrée. Rappelons que le legs se définit comme une disposition testamentaire par lequel une personne, le testateur, transmet tout ou partie de son patrimoine à la personne désignée, le légataire.

En l’espèce, la Cour d’appel avait retenu la qualification de legs à titre universel tel que défini par l’article 1010 du Code civil :

 

Article 1010 du Code civil

« Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier.

Tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre particulier. »

 

Les juges de la Haute juridiction adoptent une toute autre qualification. Ils considèrent que le legs de la nue-propriété ou de l'usufruit de tous les immeubles et les meubles d'une succession constitue bien un legs universel défini par l’article 1003 du Code civil puisque les légataires ont bien vocation à recueillir la totalité du patrimoine du défunt.

 

Article 1003 du Code civil

« Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès. »

 

Cet arrêt met en exergue la nécessité de bien rédiger un testament, précaution indispensable pour éviter toutes les difficultés d’application des dernières volontés du défunt. En effet, une telle précaution assure l'incontestabilité des volontés de son auteur, et par voie de conséquence, la certitude que le testament ne sera pas remis en cause.

M. F.-B.

Faculté de Droit