« L'action réelle étant la souche du droit réel, on a du mal à concevoir qu'elle puisse trouver en lui son explication. » Cette remarque du Professeur Zenati met en lumière un paradoxe du droit civil français : on y explique l'action par le droit. Or c'est l'action qui, historiquement, précède et fonde le droit. En effet la distinction des actions nous vient du droit romain, dans lequel comme l'a démontré Michel Villey la distinction entre droit réel et droit personnel n'existait pas. Ainsi l'existence d'un droit se déduisait de la possibilité d'exercer un recours. Cette logique pragmatique subsiste encore aujourd'hui dans les systèmes de « common law ». De prime abord, on pourrait donc être tenté de penser que la distinction entre actions réelles et actions personnelles épouse exactement les contours de la Summa divisio, propre aux droits patrimoniaux entre droits réels et droits personnels. Or dans les faits, toutes les actions civiles ne relèvent pas de la sphère patrimoniale ; pourtant elles doivent se laisser ranger dans l'une des deux grandes catégories. La distinction des actions fondées sur la distinction des droits s'avère donc inexacte et ce même lorsque le droit défendu est un droit patrimonial. Tel est notamment le cas en matière de copropriété où sera réelle l'action engagée par le syndicat contre un copropriétaire qui s'est approprié une partie commune en y édifiant, sans autorisation, une construction. Pourtant le syndicat n'est pas titulaire d'un droit réel propre sur les parties communes et il agit en vertu du règlement de copropriété donc sur un fondement contractuel. Or, selon la définition classique il devrait s'agir d'une action personnelle se prescrivant par cinq ans. Parallèlement, cet exemple semble illustrer une forme de primauté fonctionnelle de l'action réelle sur l'action personnelle, révélant la persistance d'un certain pragmatisme antique En outre, ce cloisonnement théorique emporte des conséquences concrètes, notamment sur le régime de prescription. D'une part, on peut s'interroger sur l'utilité réelle de l'article 2227 du Code civil, dès lors que la propriété est, par nature, imprescriptible, et que les principaux droits réels immobiliers, au premier rang desquels figurent les servitudes et l'usufruit, sont déjà régis, en matière d'extinction, par des textes spéciaux fixant leurs propres délais de prescription. D'autre part, le texte en question ne parvient pas toujours à remplir sa fonction d'assainissement du droit qui lui est pourtant dévolue. Notamment en matière de lotissement où les servitudes issues du cahier des charges, continuent de s'appliquer tant qu'au moins un coloti les respecte. Il en résulte une contradiction l'action confessoire de servitude peut être prescrite à l'égard d'un lot mais le droit subsiste à l'échelle du lotissement. Ainsi, un droit réel normalement prescriptible devient, de fait, quasi imprescriptible. Ces limites du système civiliste appellent deux pistes de réflexion complémentaires : d'une part, une redéfinition fonctionnelle de l'action en justice ; d'autre part, une remise en cause des régimes de prescription fondés sur la Summa divisio entre actions réelles et actions personnelles.