La transparence pourrait bien être, à l'avenir, un élément très important de la législation des pays démocratiques. On observe un nombre croissant de normes faisant progresser les obligations de transparence en droit administratif (accès aux documents administratifs, transparence des marchés publics), en droit constitutionnel (groupes d'intérêts, élaboration des lois et moralisation de l'État), en droit boursier, et en droit fiscal (transparence des instruments financiers, transparence des OPA et transparence fiscale). On décèle, dans ces domaines, une certaine méfiance à l'égard de l'opacité de l'information et du secret. Au contraire, dans les rapports entre personnes privées, où l'intérêt public ne gouverne pas les relations juridiques, on considère plus volontiers que les obligations visant à imposer le secret et la confidentialité des informations sont protectrices des intérêts individuels (intimité de la vie privée), tout particulièrement lorsqu'il s'agit de protéger des personnes en situation de vulnérabilité (audiences à huis clos, secret médical). C'est une conception que l'on observe aussi dans les relations de travail, par exemple lorsqu'il s'agit de reconnaître un « droit au silence » dans les opérations de recrutement, sur l'état de santé, sur la grossesse, ou sur l'appartenance syndicale. Cependant, une certaine exigence de transparence inspire les règles plus nettement qu'auparavant dans les relations individuelles de travail (compréhension de l'étendu de l'engagement du salarié, transparence du salaire, information sur les conditions de travail, traduction du contrat de travail dans la langue maternelle du salarié étranger), dans les relations collectives de travail (obligations d'informations des élus du personnel, exigence de négociation de bonne foi) et dans les règles de procédure (information préalable du salarié des motifs de la sanction envisagée, modification du contrat de travail, plans de licenciement collectifs). Le paradoxe est qu'édicter des obligations et des procédures d'information préalable est souvent long et fastidieux, alors que la transparence n'apparaît pas non plus comme pouvant faire l'objet d'une obligation généralement établie en droit du travail. D'un côté, pour adapter les règles à leurs contextes, il faut leur conférer un degré de précision et de technicité qui ne facilite ni leur élaboration ni leur diffusion dans la pratique. De l'autre côté, on voit mal comment faire émerger un principe de transparence, au-delà des déclarations d'intention proclamées par certaines entreprises, qui se réfèrent à leur éthique ou à des valeurs morales dénuées de portée juridique. Peut-on alors identifier une règle plus commune, qui pousserait les relations de travail à davantage de transparence ? Si une telle règle existe, elle ne semble résider ni dans le Code du travail, ni dans le Code civil, ni dans le Code pénal ou dans la loi informatique et libertés. De nouvelles obligations peuvent-elles émerger sous l'influence de principes, tels que la loyauté dans l'exécution du contrat, les droits de la défense, ou la liberté de représentation ? Il n'est toutefois pas certain que cela évite les risques d'imprécision. Il parait d'intuition que la transparence ne peut pas être une fin en soi, mais plutôt qu'elle constitue un moyen d'atteindre certains buts. Les règles qui semblent traduire une exigence de transparence visent un objectif qui leur est propre (protection de la santé et de la sécurité des travailleurs par l'affichage sur les conditions de travail, la procédure disciplinaire est respectueuse des droits de la défense). Se pose alors la question des fonctions que le droit du travail doit donner à la transparence et notamment si celle-ci pourrait être investie d'une fonction inspiratrice des règles techniques dont le degré de précision et la force obligatoire varierait selon les intérêts légitimes qui réclament de la transparence.